Patrice Calmette, les tentations d’Ibiza

Lancé par Diana Vreeland dans Vogue américain et Andy Warhol dans Interview, lié à l’aventure du groupe brésilien Dzi Croquettes, Patrice Calmette a su faire d’un don un talent. Star de sa génération, aussi beau et fameux que tous ceux qui fréquentaient le Sept et la Factory et naviguaient entre loft new-yorkais et villa aux Bahamas, ce narcisse émerveillé était condamné à renouveler à travers l’Hasselblad, le miracle d’une première rencontre avec le miroir. À l’inverse de l’arroseur arrosé, il a renvoyé sur les autres ce regard posé sur lui et est devenu le photographe des grands et des petits, des célèbres et des anonymes, conférant à chacun cette part de beauté qui fait d’une pause fragile une image. Pectoraux impeccables, tatouages millésimés, regard canin ou Madone de plâtre sont cadrés avec la même rigueur nimbée parfois de tendresse.
Comme le Baron de Gloeden avant lui, pour ne choisir qu’un exemple lointain, il abuse parfois de l’accessoire pour ne pas dire de l’attribut. Si le diadème de pairesse fait briller les piercings minimalistes d’Athos, le masque de coquillage banalise la plastique de Felipe et la plume de paon d’Edinho est presque embarrassante. Paradoxalement le talent de Calmette s’affirme d’autant mieux que le sujet est discret, anodin, quotidien. Dans ce vaste pandémonium qu’est Ibiza, il a su conférer à la vallée d’Es Broll, au puits, au mur chaulé, aux arbres, cette simplicité évangélique qui émane de ses plus beaux modèles (Hakim). Soustraits à l’éclat factice de la télé-réalité, Brandon ou Greg le millionnaire acquièrent même sous son regard une humanité qui vaut bien leur « quart d’heure de célébrité mondiale ».