Patchwork de collages

En 1912, alors même qu’ils étaient en pleine aventure cubiste, Braque et Picasso faillirent être pris à leur propre piège. À force de déconstruction formelle, ils en étaient arrivés à un point extrême d’illisibilité de l’image qui manqua de les faire choir dans la plus pure abstraction. Pour échapper à un tel hermétisme, soucieux qu’ils étaient tout à la fois de figuration et de réalité, ils inaugurèrent quasi simultanément une nouvelle pratique que l’histoire a retenue sous le nom de « collage ». En inscrivant dans l’œuvre toutes sortes de fragments récupérés ici et là – morceaux de papier journal, fragments de papier peint, macules d’imprimerie ou bouts de ficelle – ils s’assuraient ainsi d’un ancrage au réel. Ce faisant, Braque et Picasso ne mesurèrent pas les conséquences de leur découverte. En effet, leur invention allait connaître une fortune critique incroyable, à ce point même que l’on peut dire du collage qu’il est « la » technique du XXe siècle. Ce qu’il instruit tant d’une distanciation du traditionnel savoir-faire de l’artiste que d’un ordre plastique inédit qui renvoie à une appropriation du monde extérieur a été repris en compte par toutes les avant-gardes et toutes les générations d’artistes qui suivirent.
On ne le sait pas toujours mais l’œuvre de collage que Maurice Estève a constituée est considérable (L’Œil n°497), aussi le musée de Bourges a-t-il jugé opportun d’en organiser une présentation particulière appuyée des travaux d’artistes aussi divers que Schwitters, Hausmann, Braque, Léger, Bryen ou Chaissac. Si l’ensemble fait un peu patchwork, il a du moins le mérite de faire valoir ce qu’il en est d’une technique à part entière qui offre aux artistes toutes sortes de possibilités et d’aventures.