Partition pour quatre mains et deux voix

Saâdane Afif et Delphine Coindet en parfaite intelligence à Pau

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 16 avril 1999 - 456 mots

Delphine Coindet et Saâdane Afif proposent au Parvis 3, à Pau, une exposition conçue en parfaite intelligence, dans laquelle les œuvres se répondent pour construire un dialogue complémentaire et harmonieux.

PAU - “Encore un accident !”, est-il inscrit sur une poutre qui traverse l’espace d’exposition du centre d’art. Les deux artistes ont tiré cette phrase d’une manchette de la presse quotidienne locale, une démarche relativement proche dans l’esprit de celle des peintres cubistes du début du siècle quand ils découpaient la une des journaux. Delphine Coindet et Saâdane Afif prennent ici en compte le lot quotidien d’images et de nouvelles, flot constamment nourri par les médias à un rythme qui ne nous permet pas de les digérer. Ainsi, Coindet propose-t-elle dans une seconde salle une projection de diapositives faites à partir de coupures de presse, images étonnantes ou rapprochements strictement formels qui se succèdent les uns aux autres, sans hiérarchie, comme le flot continu de l’information. Finalement, seules pourraient ne plus compter que les apparences. En écho à cette pièce “publique”, Afif propose un ensemble de photographies qu’il a installées sur des présentoirs. Ces dernières ne sont pas issues des médias mais de son quotidien, images “remarquables” qui nous propulsent dans un univers intime et commun. L’artiste a également conçu une pièce sonore à partir d’une compilation de bruits de la vie de tous les jours réunis pour le cinéma et qui se succèdent aléatoirement.

Cette exposition ne doit pourtant rien au hasard. Dès l’entrée, le visiteur saisit sa construction articulée en séquences, tout en constituant, depuis ce point de vue, un tableau parfaitement composé. Certes, dans les séries d’images, la notion de déplacement – des sens, des formes, des icônes... – était déjà centrale. Ici, le concept est réaffirmé en lui donnant une nouvelle dimension. Sans évoquer un nomadisme mis aujourd’hui à toutes les sauces, il est davantage question de définir un territoire nécessairement mouvant, mais dont on peut considérer les balises : le tipi de Delphine Coindet, réalisé en métal et s’ouvrant comme une boîte de conserve ; Stratégie de l’inquiétude de Saâdane Afif, qui se présente comme un plan-relief de paysage, ou Nord Sud, du même artiste, une imbrication sculpturale des deux mots, mais dans lequel le Sud disparaît complètement. À côté de ses nouvelles Pelotes, les tirages numériques de Delphine Coindet proposent encore de possibles mises en espace de nouvelles formes créées à l’aide d’un ordinateur. Loin d’une simplification, au sens d’appauvrissement, ce répertoire de signes atteint une efficacité générique. Et ce n’est pas par accident.

SAÂDANE AFIF ET DELPHINE COINDET, RN 117

Jusqu’au 12 mai, Parvis 3 - Centre d’art contemporain, Centre Leclerc Université, av. Sallenave, 64 000 Pau, tél. 05 62 90 60 32, tlj sauf dimanche et lundi 11h-13h, 14h-18h30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Partition pour quatre mains et deux voix

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