Trop souvent considéré comme un fou volant, à l’image de ses machines, Panamarenko veut poétiser le monde, et se moque volontiers de la science et de l’art.
Un parachute à hélice, un avion nuage, un sous-marin baleine, des machines à décoller et à accélérer, un hélicoptère, un sac à dos en forme de coquille, un pédalo aérien, un insecte mécanique, une bicyclette ailée, une soucoupe volante magnétique, une île, un tapis volant, un Aeromodeller long de vingt-sept mètres, la rétrospective bruxelloise propose pour la première fois depuis longtemps, une synthèse étourdissante du parcours singulier d’un artiste trop souvent et sommairement qualifié – à l’image de ses drôles de machines – de fou volant. Une sorte de professeur Nimbus belge et ébouriffé, un lointain descendant de Léonard de Vinci, un Icare moderne, isolé dans un monde poétique et marginal coupé du champ esthétique et exclu du cours du temps. Pourtant, rien n’est moins sûr, et l’exposition se charge de replacer l’artiste dans le fil de l’histoire.
Depuis une quarantaine d’années, Henri Van Herwegen dit Panamarenko (né en 1940) avance un postulat prétexte à une poétisation du monde : la conviction obstinée d’une relation de l’homme à la nature en permanente complexification et aliénation, à mesure que les connaissances scientifiques et techniques s’amplifient. Partant de là, Panamarenko exécute des machines à rêver, à voler, à plonger, à respirer. Il invente des véhicules déglingués et improbables, des bolides anachroniques et compliqués, ramenant un peu de vigueur poétique dans la nature en réenchantant et humanisant les lois physiques et mécaniques. Balançant toujours entre fonctionnalité plausible, fiction, utopie et faillite annoncée, les engins exploratoires de Panamarenko sont autant de commentaires ironiques de la science et de l’art.
La rétrospective dénoue les fils mécaniques et savants de son univers, plongeant dans les conditions mêmes de sa mise en œuvre. Dessins, documents, ouvrages scientifiques, maquettes, témoignages filmiques de happenings réalisés avant ses premiers appareils de vol en 1967, éclairent scrupuleusement les chemins empruntés par cet « ingénieur-artiste ». L’occasion de rendre à la pratique du dessin la part décisive qui lui revient : on y retrouve les calculs obscurs, les mesures préalables aux mécanismes fragiles, et surtout un dessin autonome, devenu pratique conceptuelle, véritable outil de connaissance, au même titre que les mathématiques et la difficile construction des appareils. Ils rappellent que les machines de Panamarenko se situent tout autant du côté de l’idée et de la tentative que de l’objet, du rêve et des techniques d’envol que de l’envol lui-même. En témoignent l’essor contrarié de la plupart des engins, souvent cloués au sol, offrant au visiteur le spectacle fascinant d’une beauté désuète, mais qui jamais « ne perdent le contact avec une certaine exactitude ». « Je ne m’intéresse ni à la science, ni à l’art de manière sérieuse, assure Panamarenko. Je m’amuse, c’est un jeu pour essayer de ne pas m’endormir. Je propose à un certain moment qu’une petite construction que j’aime bien soit de l’art […]. Mais je ne suis pas du tout un scientifique, ni quelqu’un qui fait des objets d’art. Pour moi, le plus important est qu’il y ait de temps en temps une certaine poésie dans ce que je fabrique et j’aime bien. Quant au reste ce sont des choses nécessaires pour bricoler un peu. »
« Rétrospective Panamarenko », BRUXELLES (Belgique), Musées royaux des beaux-arts de Belgique, 3 place Royale, tél. 32 2 508 32 11, 30 septembre-29 janvier 2006.
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Panamarenko : célestes mécaniques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°574 du 1 novembre 2005, avec le titre suivant : Panamarenko : célestes mécaniques