En partenariat avec le Musée Guimet, le Grand Palais ouvre la voie du taoïsme.
PARIS - « Le dao ! Il couvre le ciel et porte la terre. Il s’étend dans les quatre directions et s’ouvre jusqu’aux huit extrêmes. Sa hauteur est inaccessible, sa profondeur insondable. » C’est en ces termes que l’encyclopédie dirigée par le prince de Huainan (petit-fils du fondateur de la dynastie Han), au IIe siècle avant notre ère, aborde le taoïsme. Le Grand Palais, à Paris, se plonge dans les eaux troubles de ce courant de pensée. « Appellation donnée après coup à une réalité complexe, associant un courant religieux venu plus tard au poids d’une philosophie et d’un ensemble de pratique liées à la quête de longue vie », selon Catherine Delacour, commissaire de la manifestation, le taoïsme est apparu au premier millénaire avant notre ère.
Plaçant l’harmonie entre l’homme et la nature au cœur de ses réflexions, il peut aussi bien être considéré comme un courant philosophique et religieux, que comme un art de vivre ou un état d’esprit, sans aucun dogme et donc, avec une multitude de pratiques et d’écoles… Le taoïsme repose sur un principe « autorégulateur » de l’univers, sans ruptures, dont les deux pôles sont le yin et le yang. Pour Kristofer Schipper, spécialiste de la Chine ancienne, l’un des auteurs du catalogue, « ignorer les fondements taoïstes de l’art chinois revient à ne rien comprendre à cet art ».
La manifestation est une première en Europe, où les musées abordent traditionnellement l’art chinois à travers le prisme du confucianisme ou du bouddhisme. Coorganisateur de cet événement, le Musée national des arts asiatiques Guimet, à Paris, a ainsi sorti des pièces d’habitude cantonnées dans ses réserves : rouleaux peints, encres et couleurs sur papier, estampages et nombre d’objets d’art. Parmi les institutions prêteuses, citons, à Taipei (Taïwan), le Musée national d’histoire et le Musée national du palais.
Après une introduction donnant quelques indispensables clés de lecture, le parcours se découpe en six grandes thématiques, autant de chapitres essentiels pour tenter de suivre le « dao », littéralement « la voie ». On y rencontre les figures de Lao Zi, fondateur du taoïsme (probablement mort en 531 avant J.-C.), de la reine mère Xiwangmu, phase yin du monde détenant le pouvoir de donner la mort, ou de l’assemblée des dieux, ces fonctionnaires célestes et immortels, tandis qu’un accent particulier est porté à la quête de la longue vie, composante essentielle du taoïsme.
Les scénographes ont conçu un parcours fluide et ouvert, jouant sur les notions de vide et de plein : quand les œuvres sont concentrées au centre de la salle, les cimaises ont été dégagées ; dans certains espaces ce sera l’inverse, avec des murs chargés et un espace central libéré. Comment le taoïsme se traduit-il artistiquement ? « L’art sert de support à la vision », explique Kristofer Schipper. Dans une peinture, la partie la plus importante se situe au-delà du cadre représenté.
Par le truchement de leur art, explique Zhuang Zi, second penseur fondateur du taoïsme (le texte, qui porte son nom, date du VIe-IIIe siècle avant notre ère), les peintres et sculpteurs obtiennent le dao, c’est-à-dire qu’ils retrouvent la spontanéité de la création, sans aucune visée matérielle, et parviennent à faire corps avec la nature. Considérée comme une véritable ascèse, la pratique artistique nourrit l’esprit, permet d’accéder au bonheur et à la santé. Longtemps ignoré en Chine, le taoïsme apparaît aujourd’hui dans toute sa complexité et sa richesse, servi ici par une scénographie subtile et singulière.
LA VOIE DU TAO, UN AUTRE CHEMIN DE L’ÊTRE, jusqu’au 5 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.rmn.fr, tlj sauf mardi et 1er mai, 10h-20h et 22h le mercredi. Catalogue, éd. RMN, 358 p., 45 euros.
À lire également : Ester Bianchi, Le Taoïsme. Fondements, courants, pratiques, éd. Hazan, coll. Guide des arts, 2010, 336 p., 27 euros, ISBN 978-2-7541-0443-2
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Ouverture d’esprit
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : Catherine Delacour, conservatrice en chef au Musée national des arts asiatiques Guimet
Scénographie : agence Mostra
Nombre d’œuvres : 240
Surface : 850 m2
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°323 du 16 avril 2010, avec le titre suivant : Ouverture d’esprit