Deux expositions simultanées, à Bruxelles et Paris, proposent de revenir sur l’œuvre de Roman Opalka, artiste qui poursuit depuis 1965 une exploration exemplaire des multiples facettes du temps. Un travail radical, essentiel et dérisoire.
BRUXELLES-PARIS - Curieuse salle d’exposition que celle dans laquelle expose actuellement à Bruxelles Roman Opalka : il faut en effet traverser la boutique Hermès à l’ambiance feutrée et à la douce atmosphère de luxe pour pénétrer dans un espace sous verrière, blanc et froid. Là, l’artiste d’origine polonaise présente quelques fragments de son travail décliné en photographies et peintures, le tout bercé par le son monocorde de sa voix comptant imperturbablement. Depuis 1965, il trace sur des tableaux aux dimensions rigoureusement identiques (196 x135 cm) des chiffres, comptant ainsi inlassablement depuis le chiffre 1, traçant aujourd’hui sur la toile des nombres qui dépassent les cinq millions. L’une de ces œuvres, la dernière achevée par le peintre, se trouve d’ailleurs être exposée chez Renn 14/16 Verneuil, à Paris. Mais l’artiste ne se contente pas d’égrener le temps sur la toile. En même temps, il enregistre sa voix prononçant le chiffre qu’il inscrit. Chaque jour, il poursuit sa saisie du temps en se photographiant dans la même pose, avec la même chemise blanche. Mises les unes à côté des autres, il est alors difficile de déceler les changements qui s’opèrent sur le visage de l’artiste, les rides qui se creusent, les fluctuations du regard, les mèches changeantes des cheveux... Parfois, quelques années séparent deux clichés, des dizaines de mois qui ont fait leur office, qui modifient immuablement les apparences.
Cet artiste né en 1931 poursuit ainsi invariablement une quête dérisoire du temps qui passe, un travail de mesure à sa mesure, une introspection révélée et fragmentaire. C’est d’ailleurs là que se situe toute l’ambiguïté de cette démarche sans fin : même en se poursuivant selon les mêmes règles et avec la même rigueur, elle ne fait que tendre – comme certaines suites tendent, en mathématique, vers l’infini – vers une perfection inaccessible. Chaque œuvre ne devient d’ailleurs que le détail d’un ensemble, le témoin d’une progression qui s’échelonne aujourd’hui sur plus de trente-cinq ans. À côté des grandes toiles sur lesquelles se déclinent les chiffres, Renn 14/16 Verneuil présente aussi des œuvres sur papier qui relèvent du même principe, et que l’artiste réalise lors de ses voyages, quand il quitte son château de Bazérac, dans le sud-ouest de la France, dans lequel il réside aujourd’hui. Ici encore, les chiffres se succèdent les uns après les autres. Roman Opalka est assurément un artiste qui compte.
- ROMAN OPALKA, jusqu’au 17 nov., Hermès, 50 boulevard de Waterloo, Bruxelles, tél. 32 2 511 20 62, tlj sauf dimanche 11h-18h ; jusqu’au 3 novembre, Renn 14/16 Verneuil, 14-16 rue de Verneuil, 75007 Paris, tél. 01 42 61 25 71, tlj sauf dimanche et lundi 12h-19h
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Opalka, un artiste qui compte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°133 du 28 septembre 2001, avec le titre suivant : Opalka, un artiste qui compte