NEW YORK / ÉTATS-UNIS
Deux « expériences immersives » consacrées à Van Gogh ouvrent en même temps à New York. Pour se démarquer, l’une d’elle revendique une filiation, contestée, avec l’Atelier des Lumières.
New York. Deux expositions numériques prenant pour thème Van Gogh ont ouvert leurs portes au public new-yorkais en juin. À première vue, difficile de dire ce qui les différencie, d’autant que leurs affiches, qui couvrent les murs et les bus de la ville depuis plusieurs semaines, semblent parfaitement identiques. Leurs noms, étrangement similaires, entretiennent eux-mêmes la confusion : « Immersive Van Gogh Exhibit New York » et « Van Gogh : The Immersive Experience, New York » se livrent une bataille féroce. La première, conçue conjointement par Lighthouse Immersive et Maestro Immersive, a fait escale à Toronto (Canada) l’an passé et à Chicago en mars. La seconde, imaginée par Exhibition Hub et Fever, a déjà accueilli des visiteurs à Naples en 2018. C’est la première fois qu’elles se font face dans une même ville. Elles proposent toutes deux aux visiteurs de « redécouvrir » l’œuvre du peintre en les « faisant entrer dans ses tableaux les plus célèbres », grâce à des projections vidéo sur le sol et les murs d’une vaste pièce.
Il y a un an, les expositions numériques étaient encore quasiment inconnues du grand public américain. Chacune des grandes métropoles du pays a désormais son « expérience immersive » consacrée à Van Gogh, ou l’aura d’ici à la fin de l’année. Six opérateurs se partagent ce marché, que la pandémie semble avoir inspiré : avec leurs grands espaces favorisant naturellement la distanciation sociale, « c’est la sortie idéale. C’est le moment parfait pour monter ce genre d’exposition » , explique une porte-parole de Fever.
Se démarquer dans ce contexte devenu extrêmement concurrentiel n’a rien d’évident, tant les offres se ressemblent. L’ouverture à la vente des billets des deux expositions new-yorkaises a d’ailleurs entraîné le mécontentement de certains acheteurs, qui pensaient réserver pour l’une tout en achetant leur entrée (non remboursable) pour l’autre. Le Better Business Bureau, l’équivalent aux États-Unis de l’Autorité de la concurrence en France, a enregistré plus de 200 plaintes en mars contre Fever pour publicité mensongère. Leur matériel de communication était jugé trop proche de celui de l’exposition de Lighthouse.
Mario Iacampo, le directeur artistique de l’exposition incriminée, balaye pourtant la méprise : « Notre exposition n’a rien à voir avec les autres, ce n’est pas juste une pièce avec de la lumière et de la couleur : on y apprend quelque chose. » Son parcours commence par un long couloir où sont présentés les années arlésiennes de l’artiste (avec une reconstitution de la fameuse chambre), sa relation avec le japonisme et son séjour au monastère Saint-Paul de Mausole. L’« expérience immersive » à proprement parler commence ensuite, et reprend ces trois thèmes dans une mise en scène sonore et lumineuse qui se veut un « musée virtuel ».
Face à son concurrent direct, l’exposition « Immersive Van Gogh » de Lighthouse se prétend « l’originale », comme on peut le lire sur ses affiches. Son directeur artistique, Massimiliano Siccardi, revendique d’avoir conçu l’exposition « Van Gogh, la nuit étoilée » de l’Atelier des Lumières à Paris, celle que visite Emily dans la série de Netflix « Emily in Paris ». Pour insister sur ce lien et profiter du succès de la série, Lighthouse a même demandé à Lily Collins, l’actrice qui joue Emily, de présenter « Immersive Van Gogh » dans une vidéo promotionnelle. Cela n’a pas échappé à Bruno Monnier, président-fondateur de Culturespaces, qui gère l’Atelier des Lumières : « Nous n’avons aucun lien avec “Immersive Van Gogh” !, réagit-il. Ce n’est pas l’exposition d’Emily, c’en est une autre. » Des procédures judiciaires sont en cours pour forcer Lighthouse à retirer les références à la série dans sa communication.
Culturespaces prévoit d’ouvrir à New York son propre lieu dévolu aux expositions numériques en 2022 : le « Hall des Lumières » investira un immeuble historique de 3 000 m2 dans le quartier de Tribeca. « C’est un espace extraordinaire. Là-bas le public verra ce qu’est vraiment une exposition numérique. On ne se sent pas le concurrent direct des autres » , assure Bruno Monnier. Une chose est sûre : « Nous n’ouvrirons pas avec Van Gogh ! »
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À New York, la guerre des expositions numériques est déclarée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°569 du 11 juin 2021, avec le titre suivant : À New York, la guerre des expositions numériques est déclarée