Des bureaux vides, impeccablement meublés mais dans un style impersonnel, standard. Les locaux sont pratiques au détriment de tout charme, et pour cause ! Ces espaces commerciaux sont à louer. En allemand, on dira Zu vermieten, pour ces bureaux en location que Natacha Nisic a photographiés du côté de Friedrichstraße à Berlin, curieuse d’analyser l’absurdité de cette esthétique fonctionnaliste.
La façon dont l’homme établit des systèmes et des codes pour régir son existence, voilà ce qui passionne cette jeune femme de trente-six ans. De ses différents séjours en Allemagne et au Japon, l’artiste française a ramené des images et des fragments linguistiques pour nourrir un travail sensible et discret sur les habitudes et les apparences. Au Plateau, pour sa première grande exposition institutionnelle, elle a prévu d’investir tout l’espace, d’en faire sa maison pour y présenter au mieux son travail, une alchimie subtile de cinéma et d’arts plastiques. Elle aura complété pour l’occasion son Catalogue des gestes qu’elle a entamé en 1994 où elle filme toute une multitude de gestes quotidiens arrachés aux objets.
Se coiffer, déplier un mouchoir, craquer une allumette, chaque modus operandi est saisi en gros plan, décortiqué, vidé de sa fonction pour devenir une chorégraphie poétique et silencieuse. Gestes répétitifs, inconscients et pratiques, ils appartiennent à ce vocabulaire du comportement humain qui intrigue Natacha Nisic. Au Japon, elle a découvert une chaîne de magasins du nom de VIVRE. Seulement la plupart des Japonais ignorent la signification même de ce mot employé pour sa seule consonance française comme un atout de charme susceptible d’attirer plus efficacement la clientèle. L’artiste a donc imaginé en pendant à un grand néon publicitaire, la traduction de vivre, IKIRU, et ainsi, d’offrir aux consommateurs nippons une autre façon d’envisager leur consommation. Les mots offrent bien des ambiguïtés et des plaisirs que Natacha Nisic n’a de cesse de goûter jusque dans le titre de son exposition, un emboîtement de rimes « Haus/raus-aus » qui signifie « Maison/sort !-dehors ». Et le jeu de construction linguistique devrait trouver logiquement un écho avec l’installation d’une imposante structure, le squelette du toit inversé d’une maison, berceau d’une projection vidéo.
PARIS, Le Plateau, 22 rue des Alouettes, xixe, tél. 01 53 19 84 10, 6 mars-18 mai. Rencontre avec l’artiste le 13 mars à 19 h 30.
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Natacha Nisic, hors de la maison
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Natacha Nisic, hors de la maison