NANTES
Le Musée d’arts de Nantes reconstitue partiellement l’exposition qui fit découvrir l’impressionnisme au public, dans un mélange d’œuvres qui prête parfois à confusion.
Nantes. Le 10 octobre 1886 s’ouvrait à Nantes l’« Exposition des beaux-arts, de la photographie et de l’art ancien », qui comptait 1 799 œuvres et dura jusqu’au 15 janvier 1887. À l’issue de la manifestation, des particuliers (dont le maire) et le musée de Nantes avaient pu enrichir leurs collections. D’autres institutions avaient fait leur marché, comme le montre l’essai de Béatrice Riou à propos du Musée de Morlaix dans le catalogue de l’exposition présentée actuellement à Nantes. Enfin, une Société des amis des arts s’était constituée en octobre 1886.
Cyrille Sciama, conservateur chargé des collections du XIXe siècle au Musée d’arts de Nantes, travaille depuis une dizaine d’années sur l’exposition de 1886. Il a mené une véritable « enquête policière » pour retrouver dans les musées et les collections privées des œuvres qui y figuraient. S’il n’a pu obtenir tout ce qu’il convoitait (les Gauguin sont trop fragiles pour voyager ; un Carolus-Duran, passé en vente en 2013, a été refusé par son nouveau propriétaire), il a néanmoins réuni 59 œuvres qu’il a classées par thème jusqu’à la salle finale consacrée à « La rupture de la modernité ».
La manifestation de 1886 est d’abord traitée sous l’angle de ce qui sous-tendait alors l’art : l’éducation historique et religieuse du public ; la mise en valeur des héros locaux ; l’image que voulait donner d’elle la France républicaine et, pour ce qui est de l’esthétique, l’éclectisme. Cette partie, pleine de découvertes pour le grand public, est pour le musée l’occasion de mettre en valeur des œuvres oubliées comme Les Avoines (1886) de Jan Monchablon, tableau sorti d’un long oubli dans les réserves et restauré.
La suite de l’exposition aborde l’impressionnisme et le néo-impressionnisme, qui firent réagir le public et la critique. Elle marque une rupture dans le propos précédent, qui était de montrer ou d’évoquer des œuvres exposées en 1886. La première section, informative, « Les défenseurs de l’art moderne », présente des portraits d’artistes, de critiques et de collectionneurs favorables aux nouvelles esthétiques. Rares sont parmi ces œuvres celles qui figuraient à l’exposition de 1886, mais c’est admissible dans ce cadre.
Dans la dernière salle, en revanche, qui rappelle la salle IX de 1886, la plus polémique, le mélange d’œuvres exposées à l’époque avec d’autres qui ne l’ont pas été pose problème. Maxime Maufra, par exemple, est représenté par une toile de 1911. Ici figure aussi La Fin du déjeuner (1879) de Renoir, l’une des deux seules œuvres qui n’étaient pas à vendre en 1886 car elles appartenaient à un collectionneur nantais. L’autre était La Loge (1874), également de Renoir, désormais propriété du Courtauld Institute et en ce moment exposée à la National Gallery de Londres. Si ce prêt était impossible à obtenir, il est dommage d’avoir demandé à Orsay Tempête, côtes de Belle-Île (1886) de Monet. Certes il était tentant d’évoquer le maître de l’impressionnisme, lequel, n’ayant pas voulu paraître à l’exposition nantaise, était parti peindre à Belle-Île (Morbihan). Il devait d’ailleurs offrir des Nymphéas au musée de Nantes en 1922 pour effacer cet épisode. Mais la scénographie aurait dû signaler cette exception, car le risque est grand qu’une partie du public de 2018 reparte avec l’idée que, en 1886, les Nantais ont pu admirer une vue de Belle-Île de Monet à l’Exposition.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : Nantes rejoue le « scandale » de 1886