Seul un parcours d’exposition pensé autour de la rupture pouvait cerner le caractère paradoxal du mur.
Ouvert ou fermé, protecteur ou oppresseur, obstacle ou guide… Les commissaires Emmanuelle Delapierre et Marie-Claire Sellier ont voulu dépasser la pensée binaire souvent associée à ce motif. Telle une frontière, le mur opère un va-et-vient incessant entre deux mondes. Quatre sections thématiques (« Un petit pan », « Quatre murs », « Dans la rue » et « Ouvert ») développent ainsi, non pas un inventaire cohérent ou une définition uniforme du mur, mais un dialogue entre ses discontinuités. Les cent œuvres réunies rendent compte d’une diversité de démarches menées par les artistes, aussi bien dans les médiums choisis (peinture, sculpture, architecture, installation in situ, dessin, estampe, photographie, vidéo) que dans les questionnements soulevés. « Témoin du passé, support d’un acte subversif, symbole collectif, illusion d’un ailleurs, forme géométrique » : autant de thèmes qui font du mur un enjeu esthétique et politique. Si la plupart des célèbres artistes présentés sont contemporains, le parcours s’ouvre avec Thomas Jones et Pierre-Henri de Valenciennes, deux peintres du XVIIIe siècle. Dans leurs paysages ruraux, peints sur le motif en Italie, les pans de mur représentés ont une présence particulière, à part entière. Ce regard moderne porté sur la nature est le point de départ du propos de l’exposition : à un moment donné, dans l’histoire de l’art, les artistes ont commencé à faire du mur, non plus un écran sur lequel se projette l’image, mais le sujet même de l’œuvre.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Murs, frontières ET ruptures