Murano hors les murs

L'ŒIL

Le 1 juillet 1999 - 219 mots

Les Japonais, qui pourtant n’ont aucune tradition de verrerie, se sont follement entichés de la splendeur du verre de Murano. Ann Chevallier, la dynamique directrice du Musée du Verre à Liège, leur a concocté une exposition dont ils ne pouvaient être que friands : des pièces d’origine mais complétées d’autres verreries, celles-là de « style vénitien », telles qu’elles sont apparues en Belgique, Allemagne, Pays-Bas et jusqu’en Espagne. En effet, malgré les très sévères lois de Murano, de nombreux verriers s’enfuirent pour s’installer, dès la fin du Moyen Âge, dans toute l’Europe, apportant avec eux la technique du filigrane, de l’opaline, des motifs en relief, de la couleur, de la dorure et de l’émaillage. On peut ainsi aussi bien admirer les jambes des fameux « verres à corps de serpent », produits courant XVIIe à Liège, les verres rouges de Bohême ou des aiguières « façon Venise » en Espagne. Mais la finesse, la grâce, ce qui rendait sublime le verre cristallin de Venise s’en est allé. Le verre s’épaissit, les formes s’alourdissent, l’or s’empâte. On lui préfère de plus en plus le cristal au plomb découvert en Angleterre, gravé et biseauté, bref surchargé. L’influence exclusive de la Cité des Doges aura régné néanmoins jusqu’au XVIIIe siècle. Une vraie leçon d’histoire européenne, déjà.

TOKYO, Station Gallery, 31 juillet-19 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°508 du 1 juillet 1999, avec le titre suivant : Murano hors les murs

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