Munich en plein réalisme

A l’occasion de l’ouverture de son nouvel espace d’exposition conçu par les superstars de l’architecture muséale Herzog & de Meuron, fraîchement auréolés du Pritzker Prize, la Hypo-Kulturstiftung s’offre une copieuse exposition, « Le regard froid : Réalisme des années 20 ». Pas moins de 180 œuvres, de la fin de la Première Guerre mondiale au seuil des années 30 : Picasso, Magritte, Otto Dix, Tamara de Lempicka, De Chirico, Edward Hopper, Ben Shahn ou Grant Wood. Tout en instaurant un dialogue inédit entre l’Ancien et le Nouveau continent, l’exposition s’efforce de nuancer l’image d’un réalisme prudent, voire réactionnaire, celui du « retour à l’ordre » et du désaveu des avant-gardes. C’est peut-être par une même facture lisse que ces peintures prennent le risque d’être réunies ici. Une grammaire strictement figurative au graphisme net et sec sert des intentions certes divergentes, mais soucieuses de renouer ou d’en découdre avec le réel. Ainsi l’exposition nous conduit-elle du vérisme féroce et stylisé d’un Grosz ou d’un Dix aux paysages urbains désolés d’Hopper, en passant par la période ingresque de Picasso. L’évidence réaliste glisse vers l’irrationnel avec Albright, Magritte ou De Chirico et convoque des archétypes de la réalité quotidienne en associant des objets inattendus finalement vidés de tout réalisme. Les quelques ponts jetés entre les « ismes » des années 20 et le recours au répertoire figuratif peinent à justifier certaines associations entre le Novecento, la Nouvelle Objectivité, le Régionalisme américain ou encore le Surréalisme. On aurait toutefois tort de bouder son plaisir devant un tel programme, en particulier la rare représentation des artistes américains.