Fidèle à son esprit pédagogique, le Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière raconte les rites funéraires de l’antique Lugdunum en ayant recours au procédé de la reconstitution historique
LYON - Pour révéler au public les fruits de la recherche archéologique et mettre en exergue ses collections, le Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière a mis au point une politique active d’expositions temporaires, avec un parti pris résolument didactique et spectaculaire, sans pour autant trahir le propos scientifique. Installé sur la colline de Fourvière où furent érigés le théâtre et l’odéon de Lugdunum, le musée évoque aujourd’hui les rites funéraires pratiqués dans l’antique Lyon, et plus largement dans la Gaule romaine, entre le Ier siècle avant notre ère et le IIIe siècle après.
La démonstration s’appuie sur les fouilles récentes réalisées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans le cadre de travaux d’aménagement. Sur les 77 opérations de fouilles préventives menées de 1990 à 2008 sur le territoire lyonnais, 33 concernaient des ensembles funéraires et, depuis une vingtaine d’années, des progrès considérables ont pu être réalisés dans le domaine grâce, notamment, à l’archéo-anthropologie.
Dédramatisation
Pour sa dernière exposition en tant que directeur du musée, Jacques Lasfargues – qui cède sa place à Hélène Lafont-Couturier – s’est attaché les services de l’Inrap et a demandé à son complice de longue date, Christian Goudineau, professeur au Collège de France, d’assurer le commissariat scientifique de la manifestation. Les deux compères ont voulu une exposition « pédagogique, saisissante, voire – par certains aspects – émouvante ». Celle-ci devait initialement s’intituler « Mourez, nous ferons le reste », une manière de dédramatiser face à un sujet souvent tabou et de montrer que le rapport des vivants à la mort était différent dans le monde gallo-romain. Le conseil général du Rhône a finalement opté pour une accroche plus consensuelle…
Concrètement, le parcours s’appuie sur une série de reconstitutions mêlant des pièces originales à des objets et décors factices. Cette démarche radicale frôle parfois le kitsch (le cortège dessiné à l’aquarelle par l’archéologue Jean-Claude Golvin d’après le fameux autel de la Paix à Rome, reproduit en grandeur nature avec les voix de pleureuses diffusées en fond sonore, peut ainsi laisser perplexe), mais elle a le mérite de capter l’attention du visiteur pour ne plus la lâcher jusqu’à la fin de la visite. Celle-ci démarre avec une veillée funèbre à l’intérieur de l’atrium d’une maison romaine reconstitué. Le lit du défunt, enveloppé d’un linceul, est entouré d’ustensiles de toilettes (cruches, bassins, strigiles, spatules à fards, flacons à onguents) et d’offrandes (lampes ou monnaies). Le visiteur remonte ensuite le cortège des funérailles d’un notable, citoyen romain, avant de se retrouver au cœur d’une nécropole de la fin du Ier siècle. L’ensemble de sépultures, ici restitué, révèle les différentes pratiques funéraires : l’incinération, l’inhumation (toujours en vigueur même si la crémation domine après la conquête romaine), les banquets et rites organisés pour honorer la mémoire des morts, le rôle des objets disposés auprès du défunt, les signes d’appartenance à telle ou telle catégorie sociale, la manière dont les sépultures s’inscrivaient dans le tissu urbain.
Selon le droit romain, les sépultures prenaient place en périphérie de la ville, mais à Lyon, les tombes semblent plutôt avoir occupé des espaces de vide au sein de la cité, entre des zones artisanales, des entrepôts et des maisons. Le long des voies se trouvaient les monuments funéraires pourvus de riches inscriptions, tandis que les sépultures plus modestes en étaient éloignées. Chacune des tombes reconstituées repose sur une découverte réelle réalisée par l’Inrap. Cette contextualisation des produits des fouilles permet d’« aller au-delà de l’objet lui-même, d’en montrer le sens », selon Marie-Laure Cuvillier, l’une des commissaires de l’exposition. Un dernier espace expose les originaux et permet d’appréhender le travail de l’archéologue sur le terrain (lyonnais en l’occurrence), à travers des documents audiovisuels et témoignages. Un film réalisé pour l’occasion par David Geoffroy raconte le déroulement du rite funéraire, tandis que les dernières cimaises reproduisent quelques épitaphes : « Voyageur, voyageur ! Ce que tu es, moi je le fus ; ce que je suis, tu le seras… » Une manière d’aborder la mort particulièrement… vivante.
Commissariat général : Christian Goudineau, professeur au Collège de France
Réalisation : Robert Berthodin, Franck Brogin, Jean-Claude Chadefaux, Marie-Laure Cuvillier, Matthieu Souche, services des expositions temporaires du musée gallo-romain
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Abonnez-vous dès 1 €POST MORTEM, jusqu’au 30 mai, Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière, 17, rue Cléberg, 69005 Lyon, tél. 04 72 38 49 30, www.musees-gallo-romains.com/fourviere , tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h. Catalogue, éd. Errance, 254 p., 32 euros, ISBN 978-2-8777-2406-7
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°317 du 22 janvier 2010, avec le titre suivant : Mourez, nous ferons le reste !