PARIS
À l’entrée de l’exposition, en écrivant directement au plafond, noirci à la bougie, ces mots à la flamme « Ciel variable », Mircea Cantor, à qui le Musée de la chasse et de la nature donne carte blanche, annonce tout de suite la couleur : avec cette vanité, il s’agit certes de suggérer le temps qui passe au fil des saisons, mais aussi, et surtout, de rappeler qu’animaux et humains vivent sous le même ciel, avec une certaine porosité.
Pour ce plasticien, qui aime à préciser qu’« il vit et travaille sur terre », occuper les trois niveaux du lieu, en mêlant ses propres productions aux collections permanentes, ne consiste pas à proposer une exposition traditionnelle, mais davantage à creuser, en axant sur le thème de la chasse, le sillon d’une pensée non linéaire interrogeant la globalisation. Se tenant à distance d’un certain métissage culturel en vogue visant à abolir les différentes frontières (géographiques, identitaires, symboliques…), Cantor choisit pour fil conducteur de son expo, à vivre tel un territoire à tiroirs à arpenter, d’anciens rites roumains autour de la faune, inspiratrice de fêtes traditionnelles et d’objets. Entraînant un dialogue fécond entre ses propres réalisations aux médiums variés (œuvre textuelle, dessins, sculptures, films, installations) et des ready-made (masques populaires empruntés au Musée du paysan roumain, pièces contemporaines d’artistes de l’école de Cluj), Mircea Cantor, loin d’alimenter une simple nostalgie du passé façon « c’était mieux avant », retrouve des images et des gestes simples, à la portée universelle, telle, à mi-parcours, une vidéo d’une biche en putréfaction dans une rivière, qui nous touchent profondément.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Mircea Cantor, les deux pieds sur terre
