Le vocabulaire ensorien se resserre et se met en place en 1883-1884. Apparaissent de façon presque simultanée les squelettes, la figure de la mort, les masques et la confirmation de l’intérêt aussi vif que distancié que le peintre porte à sa propre personne. Les masques scandalisés (1883), de facture encore très réaliste, marquent l’irruption des masques dans la grammaire d’Ensor. Ils ne le quitteront plus.
Puisés dans l’imagerie locale, les parades de carnaval et autres kermesses, les masques offrent à Ensor un appui pour relayer son pessimisme pamphlétaire tout en autorisant des affranchissements imaginatifs et une ardente expressivité de la couleur. Attribut de liesses populaires jugées pathétiques par le peintre ou expression frondeuse de l’hypocrisie bourgeoise, le masque devient le meilleur interprète d’une radicalité grinçante et d’un humour flirtant avec le grotesque.
Le célèbre Autoportrait au chapeau fleuri développe lui aussi une subversion grotesque. Peint en 1883, il obéissait originellement aux canons flamands du genre. Ensor le retoucha quelques années plus tard, comme il en avait pris l’habitude depuis 1885, ajoutant sur des compositions antérieures, ici un objet, là un animal, un squelette, un masque, ou une étrangeté iconographique.
L’autoportrait retravaillé se voit donc affublé en 1888 d’un délicieux chapeau fleuri et de délicates moustaches à peine retroussées. Panache, loufoquerie, sans doute. Mais Ensor n’oublie pas de jouer avec les codes du portrait baroque.
L’irrévérence se fait parfois pamphlétaire, comme pour Le Pisseur, de 1887. Ce sont les années intenses d’Ensor. Celles du Christ entrant dans Bruxelles (1888) et de la critique sociale la plus vigoureuse.
Ce sont aussi les années d’amertume et d’incompréhension. Renouant avec la tradition satirique de l’art nordique, Ensor insuffle une charge politique violente à la scène croquée. Sans doute est-ce lui, le peintre, de dos, vêtu d’un manteau sombre et d’un haut-de-forme, urinant contre un mur porteur d’inscriptions et de dessins griffonnés. Échos aux sympathies anarchistes de l’auteur, évocation de la condition marginale de l’artiste ou expression scatologique des relations entretenues avec la critique, le Pisseur dit un peu tout cela à la fois…
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...On m’injurie, on m’insulte, je suis fou, je suis sot, je suis méchant, mauvais... (James Ensor)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : ...On m’injurie, on m’insulte, je suis fou, je suis sot, je suis méchant, mauvais... (James Ensor)