Mille et un Cocteau

Rétrospective

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2010 - 454 mots

Le Palais Lumière à Évian retrace la carrière prolifique de Jean Cocteau.

ÉVIAN - Cocteau en famille, Cocteau l’amoureux, Cocteau le dessinateur, Cocteau le dramaturge, Cocteau le poète, Cocteau le cinéaste, Cocteau le céramiste, Cocteau le romancier…, tous les Cocteau sont à Évian (Haute-Savoie) ! Le long d’une scénographie originale et parfaitement rythmée, se déroule le parcours hallucinant, et bien souvent halluciné, d’un élève médiocre qui est parvenu à intégrer avec une facilité déconcertante les cercles artistiques de son époque avant de devenir l’un des créateurs les plus révérés du XXe siècle.

Dans cette rétrospective brillent surtout les facettes les plus intimes de cet enfant terrible : sa correspondance et ses portraits plus ou moins caricaturaux des héros de la scène culturelle parisienne des années 1910 et 1920 (un Charles Trenet si léger qu’il porte des ailes, une Colette au profil effacé, les missives mélancoliques de Marcel Proust, celles délicieuses et farfelues d’Erik Satie…).

Mais aussi sa participation talentueuse de caricaturiste aux revues consacrées au théâtre et celle plus engagée (Le Mot) qu’il a fondée avec Paul Iribe en 1914 ; la touchante série d’autoportraits du Mystère de Jean l’Oiseleur, réalisée au cours d’un bref séjour à l’hôtel Welcome de Villefranche-sur-Mer en 1924. Ou encore les dessins exécutés à la maison de santé de Saint-Cloud au cours d’une cure de désintoxication par un Cocteau luttant contre son opiomanie.

Des grands jalons de sa carrière ici égrenés (ses collaborations avec les Ballets russes dont Parade ; Les mariés de la tour Eiffel avec le groupe des Six ; l’aventure du Bœuf sur le toit, toutes ses pièces de théâtre et films avant-gardistes…), on retiendra l’enregistrement du monologue de La Voix humaine, par une Berthe Bovy dont la fragilité résonne dans la série d’illustrations de Bernard Buffet.

Politique ciblée
En choisissant de rendre hommage à la richesse du passé artistique d’Évian et de ses environs, le Palais Lumière mène une politique ciblée et sensée – en l’occurrence, les rives du Léman ont accueilli le tournage de L’Éternel retour (1943), le film de Jean Delannoy avec Jean Marais et Madeleine Sologne en vedette.

Jusqu’à maintenant, la grande majorité de ses expositions ont fait preuve d’originalité tant dans leur sujet que dans leur traitement. Et lorsque l’on voit les efforts fournis (notamment dans la reconstitution de l’angoissant passage aux flambeaux de La Belle et la Bête, certes un peu gadget mais quand même jouissive), cette politique de valorisation offre un heureux contrepoint à la toute-puissante et toute proche Fondation Gianadda (Martigny, Suisse).

JEAN COCTEAU. SUR LES PAS D’UN MAGICIEN, jusqu’au 23 mai, Palais Lumière, quai Albert-Besson, 74500 Évian, tél. 04 50 83 15 90, www.ville-evian.fr, tlj 10h30-19h, 14h-19h le lundi. Catalogue, éd. Thalia, 256 p., 39 euros, ISBN 978-2-35278-074-8.

JEAN COCTEAU
Commissaires : Michel Bépoix et Robert Rocca
Nombre d’œuvres : environ 450 pièces (dessins, tableaux, ouvrages imprimés, livres, photographies, affiches, correspondances, manuscrits)
Scénographie : Frédéric Beauclair

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°321 du 19 mars 2010, avec le titre suivant : Mille et un Cocteau

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