Mike Kelley est décidément très présent en Europe ces derniers temps. Après son exposition au Magasin de Grenoble (lire le JdA n° 92, 5 novembre 1999), parallèlement à celle du Musée d’art contemporain de Zurich (8 avril-4 juin) et avant la galerie Ghislaine Hussenot à Paris (octobre-novembre), l’Américain propose à Angoulême un projet original, en collaboration avec Franz West, centré autour d’une exposition et d’une pièce de théâtre.
ANGOULÊME - Mike Kelley et Franz West sont depuis des années proches de la performance ou de l’expérimentation in vivo des œuvres ; mais nous ne les connaissions pas metteurs en scène. Ils ont pourtant présenté leur première création pour le théâtre, le 4 mars dernier, à l’Espace Franquin d’Angoulême (la vidéo du spectacle y sera diffusée le 23 mai à 21 heures). Partant d’une discussion entre les deux créateurs qui détaillent leur travail et les conditions de sa production, Kelley et West en ont proposé, avec la complicité de la Compagnie Le Sablier, une version scénique, souvent décalée dans sa recontextualisation : les comédiens apparaissant successivement en toge romaine, en cow-boy ou en sultan, avant de retrouver le même texte, nu, craché dans un flux continu et monotone pour nier jusqu’à son sens même. Cette discussion est cependant loin d’être inintéressante. Kelley aborde par exemple les rapports hiérarchiques entre l’industrie du cinéma et le milieu de l’art contemporain à Los Angeles, évoqué dans une scénographie détournant une esthétique hollywoodienne de série Z. Au cours de la représentation, l’artiste est plusieurs fois entré en scène, interrompant la pièce, à la fois pour souligner des passages du texte et faire basculer cette mise en scène “théâtrale” du côté de la performance.
Étroitesse des lieux
L’exposition organisée dans les locaux du Frac Poitou-Charentes, un ancien hôtel Renaissance, relève elle aussi de la performance. Présentée dans une forme différente, il y a quelques mois à Bruxelles, elle se trouve ici un peu à l’étroit, allant jusqu’à annexer une partie des espaces réservés d’ordinaire à l’administration du Frac. Toutefois, loin de nuire à la lecture des œuvres, l’accrochage ne fait qu’accentuer une profusion tentaculaire, une horreur du vide toute baroque, pour former finalement un ensemble difficilement individualisable qui tend vers l’œuvre d’art totale. Tout en travaillant ensemble sur ce projet, chacun a gardé son autonomie créatrice et les artistes ne se sont pas aventurés dans des œuvres à quatre mains, même si des installations communes sont présentées. Poursuivant les questionnements, oppositions et rencontres entre art majeur et art populaire, Mike Kelley propose des pièces issues de son “vide-grenier” personnel, puisque Categorical imperative et Morgue sont deux projets conçus à partir d’éléments (dessins, images tirées de manuels scolaires, de livres d’histoire et de magazines ; poupées de chiffon, jeux, objets religieux…) qu’il gardait depuis de nombreuses années dans son atelier sans jamais les avoir utilisés. Ces “résidus” viennent tour à tour constituer des assemblages en relief ou former des compositions planes, suivant la technique du collage envers laquelle Kelley n’avait pourtant pas manqué d’exprimer des réserves, alors que Franz West en est un fervent défenseur, comme en témoignent de nombreuses pièces exposées. L’Autrichien présente également un ensemble de meubles (lit, chaise, divan…), point de vue idéal pour contempler les créations de l’Américain. La qualité du dialogue et l’étroitesse des lieux font regretter que les futurs locaux du Frac, 2 400 m2 près de la place du Champ-de-Mars, ne soient pas déjà disponibles. Il faudra attendre encore jusqu’en 2002.
- MIKE KELLEY - FRANZ WEST, jusqu’au 31 mai, Frac Poitou-Charentes, Hôtel Saint-Simon, 15 rue de la Cloche-Verte, 16000 Angoulême, tél. 05 45 92 87 01, tlj sauf lundi et dimanche 10h30-12h et 14h-19h.
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Mike Kelley et Franz West : l’art à haute voix
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : Mike Kelley et Franz West : l’art à haute voix