Los Angeles (États-Unis)

Mike Kelley, cauchemar éveillé

The Geffen Contemporary at Moca - Jusqu’au 28 juillet 2014

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 16 mai 2014 - 319 mots

Vision dantesque que celle qui saisit le visiteur de l’exposition consacrée à l’œuvre de Mike Kelley, assommé par des cris stridents émergeant de la pénombre qui tapisse le Moca Geffen.

Est-ce la proximité de Skid Row, cloaque à ciel ouvert où s’entassent les délaissés de la société américaine dont les esprits sont autant brûlés par la drogue et le soleil, qui teinte d’une ambiance particulière cette rétrospective ? Ou le fait que Mike Kelley s’est suicidé à 57 ans en 2012 alors qu’il planchait sur ce projet gigantesque de montrer quelque deux-cent cinquante œuvres ? Toujours est-il qu’il émane de ce panorama incandescent un ton prégnant, presque maléfique, dont il est difficile de se départir. Supérieure de loin à la maigrelette et déprimante présentation du Centre Pompidou l’an dernier, un niveau au-dessus du PS1 new-yorkais l’automne dernier, la proposition du Moca sert parfaitement l’intensité sombre de l’œuvre de Kelley. Jamais répétitive visuellement, alors même que les obsessions de l’artiste observent une constance proche de la psychose, la visite fait la démonstration de l’intelligence infernale de Mike Kelley. La plongée dans les abysses de ses traumatismes et de ses obsessions construit un sentiment de fascination/répulsion extrêmement exigeant pour le spectateur. Le syndrome de la mémoire réprimée revient constamment dans les cartels et imprime à l’ensemble une inévitable lecture psychologisante parfois encombrante. Heureusement, l’écrin que constitue le centre-ville de Los Angeles rétablit vite l’équilibre ciselé par Kelley entre ses analyses sans concession de la culture populaire, un goût pour l’exagération (avec force déguisements et situations outrancières) et l’exorcisme de ses traumatismes. On retrouve ainsi avec un plaisir presque réconfortant les œuvres majeures consacrées à l’éducation et aux carcans sociaux, à côté d’installations plus récentes hantées par Superman et des photos rejouées dans des vidéos délirantes. L’exposition de Mike Kelley est un cauchemar dans le bon sens du terme, une plongée essentielle dans cette œuvre marquante et essentielle du paysage artistique californien.

« Mike Kelley »

the Geffen Contemporary at Moca, 152, North Central Avenue, Los Angeles (États-Unis)
www.moca.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Mike Kelley, cauchemar éveillé

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