La Bibliothèque nationale de France fait renaître « Le Roman de la rose », best-seller du Moyen Âge.
PARIS - « Il m’est arrivé plus d’une fois de m’entendre répondre par mes interlocuteurs, après leur avoir dit que j’ai écrit ma thèse sur Le Roman de la Rose, qu’ils l’avaient lu ou, plus souvent encore, qu’ils avaient vu le film qui en a été tiré », s’amuse Andrea Valentini à l’occasion de la nouvelle exposition de la Bibliothèque nationale de France (BnF) à l’Arsenal, à Paris. N’en déplaise à Umberto Eco, le maître de conférences de l’Université Paris III-Sorbonne pointe du doigt l’oubli quasi-total dans lequel est tombé l’ouvrage le plus lu du Moyen Âge. Conservateur à l’Arsenal, la commissaire Nathalie Coilly en veut pour preuve les trois cents exemplaires connus, dont certains enluminés, qui sont parvenus jusqu’à nous. À titre de comparaison, il ne subsiste en moyenne qu’une dizaine de manuscrits des différents romans de Chrétien de Troyes… Aussi les commissaires préfèrent rapprocher sa popularité à celle de La Divine Comédie de Dante.
Retour aux origines
Comment revenir aujourd’hui sur un succès éditorial à ce point méconnu ? La BnF n’a pas lésiné sur les moyens didactiques pour raconter Le Roman de la rose en deux grands chapitres. Tout d’abord narrer les étapes importantes de ce long poème allégorique achevé en 1270, qui s’inscrit dans la tradition des « Arts d’aimer » du Moyen Âge, ces ouvrages pédagogiques inspirés de l’Ars Amatoria d’Ovide qui révèle les clés de la conquête et de la relation amoureuse. La première partie s’astreint à présenter la trame narrative et ses personnages, retranscrire les différentes morales, détailler l’étalage de savoir encyclopédique, faire revivre l’humour grivois, ou encore distinguer les approches respectives de ses deux auteurs successifs, Guillaume de Lorris (4 000 premiers vers) et Jean de Meun (17 700 vers suivants). Vient ensuite l’histoire du Roman comme un personnage à part entière, une œuvre littéraire incontournable entre la fin du XIIIe siècle et le début du XVIe siècle. L’on notera ainsi que l’obscénité qui assura une bonne partie de la popularité de l’ouvrage fut gommée par Jean Molinet vers 1500 ; tout comme sa misogynie crasse fit l’objet d’une correspondance et d’une publication par Christine de Pisan au début du XVe siècle. Qui a dit que le féminisme était né au siècle dernier ?
Le parcours est court mais foisonnant, et récompensera tout visiteur assidu par la clarté de ses textes explicatifs. Pour la commissaire Marie-Hélène Tesnière, conservateur général aux Manuscrits à la BnF, cette exposition est également une invitation à découvrir le roman dans son intégralité, sous forme numérique. Fruit de la collaboration entre la BnF et la Johns Hopkins University, financé par la Fondation Andrew W. Mellon, le site internet RomandelaRose.org propose de découvrir en haute définition près de 140 des exemplaires connus du Roman, dont tous ceux de la BnF. Pour les visiteurs qui souhaitent en savoir plus, une journée d’études programmée le 18 janvier 2013 s’interrogera sur la manière de « Lire Le Roman de la Rose aujourd’hui ».
Jusqu’au 17 février 2013, Bibliothèque de l’Arsenal, Bibliothèque nationale de France, 1, rue de Sully, 75004 Paris, tél. 01 53 79 49 49, www.bnf.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 12h-19h.
Catalogue, éditions BnF, 196 p., 120 ill., 30 €
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Mignonne, allons voir si la rose…
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaires : Nathalie Coilly, conservateur à la Bibliothèque de l’Arsenal, BnF, et Marie-Hélène Tesnière, conservateur général au département des Manuscrits, BnF
Scénographie : J.P. Boulanger, Pylone architectes
Voir la fiche de l'exposition : L'art d'aimer au Moyen Âge - Le Roman de la rose
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : Mignonne, allons voir si la rose…