DOLE
« Tous les sexes du printemps », le titre de la rétrospective Jean Messagier (1920-1999) à Dole est emprunté au nom d’une petite acrylique sur toile de 1977 : Le Sexe du printemps.
Le musée aurait pu reprendre le titre d’autres œuvres de l’exposition, comme Hard-Core (1978) ou Une gelée de groseille pour Goldorak (1979). Le premier aurait eu l’avantage de mettre en avant l’irrévérence du peintre qui « tague » littéralement l’une de ses toiles abstraites en pleine naissance du punk ; le second, l’intérêt de souligner l’humour dynamiteur d’un artiste iconoclaste. Dans les deux cas, cela aurait témoigné des expérimentations d’un artiste exubérant qui tenta de « pulvériser la forme ». « Aucun peintre n’a touché à la fission de la forme », a écrit Messagier dans son Journal, à part lui, bien sûr. Au lieu de cela, « Tous Les Sexes du printemps » montre l’attachement d’un artiste franc-comtois à la nature, un terrien un peu baroque plus sensible au cycle des saisons qu’au fait de savoir s’il appartenait à l’abstraction ou à la figuration. Alors qu’on pensait que l’artiste avait rompu avec l’abstraction pour revenir brutalement à la figuration – haute trahison ! à l’époque –, l’exposition montre au contraire la grande cohérence d’un artiste – un poète – qui fit tout pour résister à l’embourgeoisement, jusqu’à parfois flirter avec le kitsch et le mauvais goût. Avez-vous déjà vu un cygne sur une citrouille ? Jean Messagier, lui, oui. La preuve, il l’a peint.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°725 du 1 juillet 2019, avec le titre suivant : Messagier, les deux pieds sur terre