René Daniëls a été pendant une brève mais intense période de création, le héros du renouveau pictural aux Pays-Bas. Un incident cérébral a brutalement mis un terme à son œuvre qui, dans sa ville natale, fait l’objet d’une vaste rétrospective.
EINDHOVEN - Né en 1950, René Daniëls appartient à cette génération d’artistes qui, dès sa formation, affronte l’écroulement de toutes les certitudes esthétiques. À moins d’être au préalable encadrée par un dispositif théorique contraignant, la peinture a singulièrement perdu tout crédit. Une réaction s’opère au début des années quatre-vingt et voit déferler le pire et le meilleur d’une désinvolture retrouvée. Le pastiche et la grandiloquence, la naïveté et le cynisme cohabitent étrangement sans que l’on s’avise toujours du dépit que masquait ce “retour” à la figuration. Parmi les tâcherons et les renégats, innombrables, René Daniëls a su trouver les termes d’une alternative en courant le risque d’une œuvre personnelle, émanant de son paysage, qui fait l’économie des stratagèmes d’un art complaisamment prisonnier de son histoire.
Perspectives, cartographie
Entre 1977 et 1987, Daniëls fait surgir comme de nulle part un ensemble de peintures et de dessins où la condensation des idées et des figures s’impose avec une vigueur étonnante. La peinture est légère, les icônes toutes faites n’y trouvent pas place. L’humour ne cherche jamais à s’imposer en tant que tel, il est simplement l’un des aspect de la méthode, comme dans Deux I se battant pour un point ou encore dans Lola de Balance. Les figures de magiciens des débuts (Mr. Noordzee ou Apollinaire, 1984) et les paysages faussement exotiques (A fountain in Africa) cèdent bientôt la place à une obsession de l’espace qui sera soumis à des séries de transformations. Le schème perspectif se trouve métamorphosé en nœud papillon, en pince à linge avant d’être, de façon totalement imprévisible, associé à des motifs architecturaux et de susciter une cartographie imaginaire.
La peinture de Daniëls emporte une curieuse conviction. Curieuse parce qu’elle échappe aux attentes habituelles par son ironie conceptuelle, et plus curieuse encore parce qu’elle renonce à rendre le moindre compte à la modernité. L’hommage est toujours préféré aux règlements laborieux d’une improbable dette. Dans la fulgurance de son intuition, elle déborde comme en passant les critères couramment admis (et requis) dans l’art contemporain : à l’évidence, les tableaux sont rapidement brossés, et la métonymie ne verse jamais dans le système, pas plus que “l’idée” n’assoit son triomphe. Aucun manichéisme ici, ni même la mise en valeur des contradictions, mais un véritable et immédiat débordement des leçons de l’histoire. On peut regretter qu’à Eindhoven, peintures et dessins soient présentés dans deux lieux distincts, le Van AbbeMuseum qui sera prochainement agrandi, et le musée temporaire. Ce dispositif empêche d’apprécier à sa juste valeur la pertinence et la grâce du mouvement constant des motifs, qui fondent une pratique où se réinvente la peinture comme un art de vivre et de penser sans solution de continuité. Mais cette exposition (qui sera ensuite présentée au Kunstmuseum de Wolfsburg à partir de septembre, et à la Kunsthalle de Bâle à partir du 30 juin 1999) démontre opportunément l’actualité de René Daniëls.
RENÉ DANIËLS. THE MOST CONTEMPORARY PICTURE SHOW, jusqu’au 30 août, Stedelijk Van AbbeMuseum, Vonderweg 1, Eindhoven, tél. 31 40 275 52 75, tlj sauf lundi 11h-17h. Catalogue sous la direction de Jan Debbaut, Gijs Van Tuyl et Peter Pakesch.
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Mémoire de René Daniëls
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : Mémoire de René Daniëls