Sur les terres meurtries de Seine-et-Marne, l’architecte parisien Christophe Lab signe un nouveau musée
fait de béton, de verre et d’un bardage en aluminium «”¯tricot锯». Un écrin sobre et discret destiné à abriter l’histoire d’une période tragique du xxe siècle : la Grande Guerre.
Telle une lame, le long porte-à-faux qui abrite le musée s’élance au-dessus de la pente du terrain herbeux, à l’entrée de la ville de Meaux, en bordure de la route de Varreddes. Une horizontalité marquée qui tranche radicalement avec l’émergence qui marque les lieux. Soit l’inévitable et monumentale sculpture intitulée La Liberté éplorée, une accumulation de corps d’une étonnante blancheur s’érigeant à près de trente mètres de hauteur offerte à la France par les Américains en 1932, en remerciement du don de la Statue de la Liberté quelques décennies plus tôt.
Là où la sculpture s’exprime avec grandiloquence, l’architecture du nouveau Musée de la Grande Guerre, inauguré le 11 novembre 2011, semble au contraire se terrer dans le site, protégée par de discrets toits-terrasses végétalisés. Le choix des matériaux joue avec modestie sur le registre de l’évocation : outre le béton et le verre, le bardage en aluminium « tricoté », selon les mots de son architecte, produit un effet de carrossage du bâtiment, identique à celui des avions de l’époque, dont certains sont exposés à l’intérieur du musée. Leur installation a d’ailleurs été à l’origine de quelques excroissances de formes au niveau des toits-terrasses.
Un parti pris immersif
Architecte parisien auteur de nombreuses maisons particulières qui ont su bousculer le sage bâti de la capitale – au risque de heurter certains esprits conservateurs –, Christophe Lab a livré à Meaux l’un de ses projets les plus ambitieux. Lauréat en 2008 d’un concours qui avait attiré plus de cent vingt candidats, il a mis ici de côté sa traditionnelle fantaisie au profit d’une sobriété appuyée, respectueuse d’un site si particulier. Car c’est là, au-dessus de la vallée de l’Ourcq, qu’a eu lieu en septembre 1914 la fameuse bataille de la Marne. Celle qui redonnera espoir aux troupes françaises après les désastres militaires du début du conflit. Chargé de construire quelque 7 000 m2 de plain-pied sur un site en pente, Christophe Lab n’a donc guère hésité quant au choix du porte-à-faux. Mais la topographie du terrain permet aussi de jouer sur l’ambivalence, le musée étant presque invisible depuis le nord. Un petit bois de cèdres, en cours de plantation, contribuera par ailleurs à l’aménagement paysager de ce site d’environ seize hectares.
À son arrivée, le visiteur est guidé jusque sous le grand porte-à-faux qui protège un vaste parvis, espace tampon mettant en condition avant la découverte des collections dédiées à la plus grande « boucherie » de l’histoire, la Première Guerre mondiale. Le parcours muséal – qui n’est pas celui d’un mémorial – a été également scénographié par Christophe Lab, avec un parti pris « immersif ». Les espaces sobrement articulés, complétés par un auditorium et par différents équipements propres à un musée d’aujourd’hui, abritent les pléthoriques collections réunies par un passionné, Jean-Pierre Verney. Soit plus de 50 000 pièces, dont seulement 15 % sont exposées, présentées dans ce discret écrin d’un coût total de quelque 28 millions d’euros, supporté par les collectivités locales.
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 17 h 30 d’octobre à avril et de 9 h 30 à 18 h 30 de mai à septembre. Tarifs : 10 et 7 €. www.museedelagrandeguerre.eu
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À Meaux, un trait contemporain posé sur un ancien champ de bataille
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°643 du 1 février 2012, avec le titre suivant : À Meaux, un trait contemporain posé sur un ancien champ de bataille