À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Max Jacob, décédé le 5 mars 1944 au camp de Drancy, une exposition retrace l’amitié qui lia le peintre et le poète pendant un demi-siècle.
PARIS - Présentée cet été au Musée des beaux-arts de Quimper, ville natale du poète, cette exposition vient aujourd’hui au Musée Picasso de Paris. Placée sous la houlette des conservateurs des deux musées, André Cariou et Hélène Seckel, elle est la première à relater cette féconde amitié, née en 1901 lors de la première exposition de Picasso à la galerie Ambroise Vollard.
Faits ordinaires et extraordinaires
Entre chefs-d’œuvre et reliques, quelques tableaux et quelques sculptures (dont le célèbre buste du Fou de Picasso, auquel Max Jacob prêta son visage), une centaine de dessins et plus de deux cents documents (cartes postales, brouillons de lettres, gravures, photographies, manuscrits, carnets d’adresses, livres illustrés...) retissent ainsi dans les moindres détails les faits ordinaires et extraordinaires qui ont ponctué le cheminement parallèle, et en bien des points semblable, des deux "peintres-poètes".
La présentation à Paris s’enrichit de quelques dessins, d’une dizaine de manuscrits provenant de collections privées parisiennes, et surtout de deux chefs-d’œuvre de Picasso prêtés par le Musée d’art moderne de New York : les Saltimbanques au chien (1905), à la naissance duquel Max Jacob assista, et les Trois Musiciens (1921) représentant Apollinaire en habit de Pierrot, Max Jacob vêtu d’une bure noire (il s’était retiré depuis peu au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire), et le peintre lui-même en Arlequin. Figure aussi dans l’exposition la célèbre Margot du Musée Picasso de Barcelone, qui n’avait à ce jour encore jamais été prêtée. Une toile dans laquelle, en 1901, Max Jacob, alors critique d’art, avait vu "la force détonante d’une personnalité entièrement nouvelle".
Des brouillons du poète griffonnés de croquis et de dessins tracés de la main de Picasso, aux missives accompagnant les colis de crêpes bretonnes et de fromages du Loiret que s’envoyèrent un jour les deux compères, en passant par l’enveloppe d’une lettre scellée d’un cœur percé d’une flèche, l’intimité et l’émotion ont été privilégiés. "Il ne s’agit pas d’une exposition de chefs-d’œuvre – explique Hélène Seckel – mais d’une exposition où une histoire se raconte, à travers des tableaux, des dessins, des manuscrits..., et où chaque chose a son importance."
Des lettres signées Picasso, rédigées dans un français pour le moins fantaisiste, ornementées de dessins et de gribouillis, en témoignent, comme cette drôle de bande dessinée déclinant l’"Histoire claire et simple de Max Jacob et sa gloire, ou la récompense de la vertu", l’une des rares caricatures de Max Jacob où Picasso se plaît à dessiner, d’un trait cocasse, le rêve de reconnaissance – jamais abouti – du poète impécunieux. Ce poète "en guenilles", qui lui avait pourtant offert de partager son galetas, lorsque, sans le sou, il avait débarqué à Paris...
Les Demoiselles d’Avignon
Plusieurs études de têtes de femmes, celles que Max Jacob avait baptisées les "borgnesses" (notons notamment une étude de la collection Zumsteg de Zurich), mais aussi d’autres ébauches destinées aux Demoiselles d’Avignon, font revivre la genèse du tableau dont le poète fut le témoin privilégié, et même l’acteur. D’aucuns s’accordent, en effet, à voir dans le personnage du marin, disparu de la composition au fil des esquisses, Max Jacob lui-même. Une hypothèse que corrobore le Portrait de Max Jacob en marin de la collection Ludwig, présenté ici. Enfin, les quelque cent lettres de Max Jacob à Picasso (présentées en partie, et toutes reproduites dans le catalogue), apportent une clarification inédite à cette relation.
Musée Picasso, 23 novembre-30 janvier (sous réserve).
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Max Jacob et Picasso, une féconde amitié
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Max Jacob et Picasso, une féconde amitié