Sa collection de tissus était, comme le disait lui-même Matisse, sa « bibliothèque de travail ». L’exposition du Cateau-Cambrésis – la première à affirmer que le point de départ du travail de l’artiste est le décoratif –, évoque d’abord la jeunesse de Matisse, ses vingt premières années passées à Bohain, ville de tisserands, montrant son goût déjà prononcé pour les matières, les motifs et les couleurs. En peinture, le tissu lui inspire une conception nouvelle de l’espace, davantage régi par la couleur. Ensuite, le motif décoratif devient un moyen de sublimer les femmes. Comme l’explique Dominique Szymusiak, conservatrice en chef du musée, ce qui intéresse Matisse est « la mise en tension des éléments décoratifs ». En arrière-plan du Paravent mauresque (1921) et de l’Odalisque assise (1926) sont peints des moucharabiehs dont quelques exemples sont présentés dans la même salle, leur faisant face. Ces rapprochements ne sont jamais anecdotiques ou purement illustratifs. Tissus, costumes, tableaux, photographies et citations se répondent, se complètent pour servir le propos. Une série de lithographies montre à quel point le décor existe dans un souci de souligner la beauté des corps, d’en prolonger les mouvements (Nu renversé au brasero, 1929). Sans le décor, le corps s’effondrerait. Toute son œuvre est traversée par son goût du tissu, jusqu’aux costumes qu’il réalise pour le ballet Le Chant du rossignol, aux chasubles et aux voiles de calice qu’il crée pour la chapelle des Dominicaines de Vence (1948-1951), point culminant de la dimension spirituelle qui habite les œuvres des dernières années. « Matisse et la couleur des tissus », riche d’œuvres peu ou jamais vues en France – la série des onze Blouses roumaines de 1939, mises en regard avec des blouses paysannes du xixe siècle ayant appartenu à Matisse – résulte d’un travail de titan mené par Dominique Szymusiak à partir des recherches d’Hilary Spurling, biographe de l’artiste. En parcourant l’exposition, d’une pertinence et d’une évidence exemplaires, il paraît étonnant qu’aucune manifestation n’ait jusqu’ici exploré en profondeur cet aspect de l’œuvre.
« Matisse et la couleur des tissus », LE CATEAU-CAMBRÉSIS (59), musée Matisse, tél. 03 27 84 64 50, 23 octobre-13 février, cat. Gallimard, 240 p., 134 ill., 46 euros. L’exposition sera ensuite présentée à la Royal Academy de Londres puis au Metropolitan Museum of Art de New York qui la coproduisent.
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Matisse : au commencement était le tissu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Matisse : au commencement était le tissu