Le Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba) présente la première grande rétrospective de l’artiste catalane, chantre du féminin.
Barcelone. Lors des premières Journées catalanes de la femme à Barcelone en 1976, Mari Chordà (née en 1942 en Catalogne) distribuait son livre imprimé regroupant de courts poèmes et dessins abstraits organiques réalisés de sa main, intitulé …i moltes altres coses (« … et bien d’autres choses »), expression qui donne son titre à l’exposition rendant hommage à sa carrière actuellement présentée au Macba jusqu’au 12 janvier prochain.
Pendant la décennie 1970, Mari Chordà était déjà une figure féministe d’importance en Espagne, comme le rappellent les nombreuses archives historiques introduisant l’exposition. Après des études à l’École des beaux-arts de Barcelone, l’artiste s’est rapidement fait remarquer en débutant sa série des Vagins, dès 1964. Composées de formes sinueuses aux couleurs acidulées, ses toiles représentent abstraitement l’organe féminin en signe de libération sexuelle de la femme, une thématique novatrice et osée dans le climat franquiste de l’époque. Dès lors impliquée dans les milieux féministes, elle fonde en 1968 le centre culturel Lo Llar, puis en 1977 le bar et la bibliothèque La Sal, qui deviendront ensuite la première maison d’édition féministe du pays.
L’exposition permet de découvrir toute une série de toiles réalisées durant ces jeunes années militantes, aux titres évocateurs, à l’instar de Liquides (1966) (voir ill.) et Sécrétions (1968), toujours constituées de ses formes onduleuses colorées caractéristiques, affirmées après sa découverte à Paris en 1965 des tendances pop et du Nouveau Réalisme, qui évoquent le plaisir et l’émancipation de la femme.
L’exposition met l’accent sur la place de la maternité dans le travail de Mari Chordà, thématique centrale à partir de sa grossesse en 1966. Sa série des Autoportraits enceinte (1966-1967) y est présentée : elle explore les changements observés dans son corps. Après la naissance de sa fille Angela, elle commence à introduire le jeu dans ses œuvres, notamment dans ses séries de sculptures créées à partir de différents matériaux, toujours dans une polychromie affirmée et avec des formes fluides, tels Jouet pour Angela (1969), une sculpture murale où des empiècements de bois sont mobiles comme certains jeux d’enfants, ou encore la série des Œufs de félin, débutée en 1969, composée de sculptures en bois et en tissu léopard.
À partir des années 1990, sa pratique artistique évolue vers un intérêt plus marqué pour le monde naturel environnant, en particulier pour la mer et les cétacés. Le Macba consacre une salle entière à la thématique de l’eau de son travail, qui n’a de cesse de faire écho à la libération de la femme et à la maternité. Ses différents sujets d’exploration se mêlent dans l’installation Utérus / Oeuf (2017), une capsule en osier ovoïde dans laquelle pénètre le visiteur, où il observe l’enregistrement vidéo d’une femme nageant nue sous l’eau, recréant symboliquement un fœtus immergé dans le liquide amniotique.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Mari Chordà, artiste et militante féministe