Formé à l’école des Campi, à Milan, avant de découvrir Rome, Antonio d’Errico dit Tanzio da Varallo (1580/82-1632/33) reste l’un des principaux représentants du caravagisme piémontais. Quarante ans après une première rétrospective à Turin qui l’avait révélé, Milan lui consacre une exposition, affinant la connaissance de cet artiste singulier grâce aux œuvres et documents retrouvés. Pour Marco Bona Castellotti, commissaire de cette exposition, a répondu à nos questions, Tanzio mène, malgré l’ascendant du Caravage, “une méditation totalement personnelle et autonome”?.
Quelles sont les nouvelles découvertes depuis l’exposition organisée par Giovanni Testori, il y a quarante ans ?
L’exposition présente des œuvres récemment retrouvées et d’autres qui ont été restaurées pour l’occasion. C’est le cas d’un magnifique Christ en croix découvert il y a peu à Gerenzano, près de Milan. Ou du retable de Colledimezzo, dans la province de Chieti, retrouvé il y a trois ans en très mauvais état et attribué à Franco Battistella. Pour l’exposition, le Portrait du bienheureux Tavelli du Musée de Varallo Sesia et le retable de Fontanato d’Agogna ont été restaurés. D’autre part, la carrière de Tanzio est désormais mieux connue grâce à la découverte de documents. Le premier qui le concerne remonte au Jubilé de 1600, quand il reçoit un courrier lui demandant de se rendre à Rome avec son frère Melchior, peintre lui aussi. Il entame cette année-là une longue période d’activité dans le centre de l’Italie, notamment dans les Abruzzes, mais aussi à Naples, montrant qu’il a assimilé la leçon caravagesque. N’oublions pas que 1600 est l’année où sont exposés à Rome les deux premiers tableaux de Caravage pour Saint-Louis-des-Français. Tanzio regarde donc du côté du Caravage, mais son œuvre est une méditation totalement personnelle et autonome. Il intègre le puissant souffle religieux du Caravage, le ramenant à ses racines lombardes. L’exposition fait le point des études sur Tanzio, sans prétendre les clore.
Pour quelles raisons, lui qui était du Nord, s’est-il attardé si longtemps en Italie centrale ?
Il faut probablement rattacher ce long séjour à ses liens avec l’ordre des Franciscains, qui fut l’un des vecteurs de la fortune de Tanzio. Dans nombre de ses œuvres de cette période, apparaît le personnage de saint François. Santa Maria della Pace à Milan, où il travaille avant 1630, est une église franciscaine, et d’après les sources, il semble qu’il soit mort parmi les Franciscains, en 1633, dans un couvent proche de Santa Maria delle Grazie, à Varallo.
Quand est-il revenu en Lombardie ?
La dernière œuvre que nous pouvons lui attribuer dans le centre de l’Italie date de 1614. Le magnifique retable de Domodossola représentant Saint Charles s’adressant aux pestiférés (1616) est la première exécutée en Lombardie. Mais, en 1617, il travaille déjà à la chapelle XXVII du Sacro Monte, à Varallo. Certains de ses frères participent au chantier à différents titres, et notamment Giovanni, son frère sculpteur, dont quatre œuvres sont exposées. Nous avons en particulier obtenu le prêt exceptionnel du groupe de huit sculptures de la Pietà en terre cuite polychrome du Musée de Varallo Sesia.
On prétend souvent qu’il fut un grand peintre, mais cantonné dans des circuits périphériques.
Cette erreur est maintenant démentie car, en plus des trois chapelles auxquelles il a travaillé au Sacro Monte de Varallo, il est ensuite allé à Novara, puis à Milan les dernières années. Il est demandé à Santa Maria della Pace par le père Benedetto Cinquanta, célèbre auteur de drames sacrés, puis, toujours à Milan, à Sant’Antonio Abate, autre chantier important.
Comment pourrait-on résumer cette exposition ?
L’exposition est basée sur un principe d’austérité qui tient surtout à la volonté de faire connaître un peintre un peu oublié. Tanzio fut un interprète, exceptionnel à plus d’un titre, de la leçon caravagesque, notamment par cette puissante connotation de spontanéité populaire. La culture des Sacri Monti est empreinte de théâtralité et de dévotion ; elle appelle un engagement direct, émotif, du public dans la représentation sacrée. Tanzio a créé une sacralité à la mesure de l’homme, accordée au climat de spiritualité dans lequel baigne cette région d’Italie, encore sous l’influence de saint Charles Borromée. En même temps, cette sensibilité religieuse constitue aujourd’hui un obstacle, car le public est davantage attiré par la peinture de genre.
- TANZIO DA VARALLO. Réalisme, ferveur et contemplation d’un peintre du XVIIe siècle, jusqu’au 2 juillet, Palazzo Reale, piazza Duomo, Milan, tél. 39 02 875 401, tlj sauf lundi 9h30-18h30.
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Marco Bona Castellotti : Une méditation personnelle sur l’art de Caravage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Marco Bona Castellotti : Une méditation personnelle sur l’art de Caravage