Pour fêter les soixante ans d’expositions d’été dans l’église du château où les verrières d’Henri Guérin filtrent la lumière, un choix d’œuvres de Marc Petit est présenté dans ce lieu de la Marche creusoise, « berceau » de la tapisserie.
Détourné de sa vocation de peintre par Jean Lurçat rencontré en 1954, Petit est devenu cartonnier et ne cesse depuis lors de produire par centaines des cartons donnant lieu à des milliers de tissages. Entre dépouillement et exubérance, passant des nuances noires du fusain aux aplats intenses de rouges et de jaunes, du petit format à la pièce quasi monumentale, d’un graphisme aigu au cercle parfait, l’artiste est à l’image de ses dessins de funambules qui ornent les murs de pierre un équilibriste bravant la pesanteur pour dévider quelques-uns de ses thèmes de prédilection, oiseaux chimériques, végétaux inconnus, étoiles aléatoires, clowns coiffés de chapeaux médiévaux, paysages hors d’âge. Dans cet espace sans nulle contrainte, le regard suit à sa guise l’évolution d’« une mythologie, une assemblée de demi-dieux », pour reprendre les mots de Malraux. À l’exception des toutes premières toiles présentées dans une chapelle latérale, les œuvres d’hier mêlées aux plus récentes invitent à un parcours libre, aux comparaisons, à la découverte d’une écriture qui serait enfantine si elle ne résultait d’une maîtrise à la fois sûre et effrontée du trait, comme si Petit ne voulait mettre que du rêve dans son geste. Un geste qu’il transmet toujours avec entrain aux lissiers.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : Marc Petit, de la toile au carton