Difficile de qualifier précisément cette manifestation qui n’est pas une rétrospective comme pouvait l’être celle de Paris et New York en 1983, ni une exposition thématique qui envisagerait l’œuvre d’Édouard Manet (1832-1883) sous un angle particulier, ni le fruit de recherches scientifiques qui en révéleraient des éléments nouveaux.
Organisée à Madrid, cette première exposition consacrée au peintre en Espagne permet de rappeler l’importance de ce pays dans l’œuvre de l’artiste ; elle offre surtout la possibilité de voir ou de revoir un ensemble significatif de tableaux – pour la plupart connus –, de dessins et de gravures. Le lieu n’est pas innocent puisque Manet se rend au musée du Prado en 1865, où il apprécie particulièrement les œuvres de Rubens et de Titien, de Goya et de Vélasquez, qualifiant ce dernier de « peintre des peintres ». Cette visite a une importance capitale dans le développement de son esthétique. Il manifeste un vif intérêt pour l’Espagne et les sujets alors très à la mode qui en découlent (Le Ballet espagnol ; Le Fifre ou Le Chanteur espagnol pour lequel il reçoit une médaille en 1861), comme en témoignait récemment l’exposition organisée au musée d’Orsay « Manet/Vélasquez, la manière espagnole au xixe siècle » (cf. L’Œil n° 539). Celle du Prado rassemble bien évidemment des œuvres de cette veine, mais parcourt aussi les différents genres explorés par l’artiste à travers cent dix œuvres – cinquante-huit peintures, trente gravures, vingt-deux dessins –, depuis ses débuts jusqu’à ses compositions les plus tardives, grâce à des prêts prestigieux d’une trentaine d’institutions de Washington, Chicago, New York, Los Angeles, Paris, Lisbonne, Oslo, Copenhague, Stockholm, Berlin ou Londres. Sans prétention d’exhaustivité – ne sont présentés ni Le Déjeuner sur l’herbe, ni Olympia, par exemple –, l’exposition organisée en collaboration avec le Metropolitan Museum of Art de New York et le musée d’Orsay à Paris offre au visiteur nombre d’œuvres majeures. Les affinités du peintre avec les artistes, écrivains et musiciens de son temps sont évoquées par une sélection de portraits dont le magistral Portrait d’Émile Zola (1868), celui de Théodore Duret (1868) ou encore Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872). De subtiles natures mortes – genre dans lequel excelle le maître et qui a fait l’objet d’une exposition au musée d’Orsay en 2000, cf. L’Œil n° 520 –, quelques scènes religieuses assez rares comme Le Christ mort ou Le Christ insulté par les soldats et L’Exécution de Maximilien, chef-d’œuvre de la peinture d’histoire présenté ici
dans ses deux versions, constituent quelques-uns des points forts de l’accrochage. Sans oublier Un bar aux Folies-Bergère (1881-1882), peinture des dernières années rarement prêtée par le Courtauld Institute of Art de Londres. Les rapprochements avec des œuvres d’autres artistes, en introduction au parcours, et la mise en évidence de certaines influences, s’attachent à montrer comment Manet a su s’en nourrir mais aussi s’en éloigner pour trouver sa voie et devenir la figure la plus emblématique de l’avènement de l’art moderne français.
« Manet au Prado », MADRID, Museo nacional del Prado, bâtiment Villanueva, paeso del Prado, tél. 00 94 91 330 28 00, www.museoprado.es, 14 octobre-11 janvier. Catalogue bilingue espagnol et anglais, 39 euros.
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Manet retrouve l’Espagne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Manet retrouve l’Espagne