Préparée par le Philadelphia Museum of Art et l’Art Institute of Chicago, « Impressions de la mer » fait halte au Musée Van Gogh.
AMSTERDAM - 1847 marque l’inauguration de la ligne ferroviaire Paris-Le Havre. La capitale est désormais à six heures de la mer. Le tourisme balnéaire se développe, le bain de mer se popularise et l’océan, jadis considéré comme une masse informe et cruelle, gagne le cœur de nombreux artistes. Archétype du Parisien moderne, amateur de boulevards et de terrasses de café, Édouard Manet (1832-1883) tombe lui aussi sous le charme. En témoignent une quarantaine de marines, réunies par le Philadelphia Museum of Art et l’Art Institute de Chicago et présentées au Musée Van Gogh d’Amsterdam.
L’exposition ouvre sur l’un des événements qui marqua l’imaginaire du jeune peintre, en juin 1864, un an après le scandale du Déjeuner sur l’herbe : l’assaut du Kearsarge, corvette fédérée, contre l’Alabama, croiseur confédéré, au large du port de Cherbourg. Immortalisant cet épisode de la guerre de Sécession, le tableau surprend par son point de vue surélevé et sa ligne d’horizon située en hauteur. L’eau, vide, d’une noirceur et d’une épaisseur dérangeantes, envahit la quasi-totalité de la composition. Manet a choisi de dépeindre l’événement sur un grand format traditionnellement réservé à la peinture d’Histoire. Or son tableau est avant tout une marine, sujet assimilé à la peinture bourgeoise de petit format. Le peintre excelle déjà dans son utilisation de la matière picturale et de la touche pour évoquer l’épaisseur de l’eau, les voiles qui claquent au vent, le bouillonnement de la fumée… Qui dit impression, dit sensation. S’enchaînent dans l’exposition une série de vues maritimes où les variations de la couleur de l’eau, à la fois verte et bleue, importent plus que la représentation des bateaux, sommairement exécutés en noir et blanc. Plus loin, Manet nous emmène de la baie d’Arcachon aux plages de Calais, Berck ou Boulogne. Les nombreuses vues portuaires, dont l’une de nuit (Clair de Lune à Boulogne, 1868), traduisent l’incessante activité marchande par une touche à la spontanéité simulée. Le parcours s’achève sur un nouvel épisode historique, L’Évasion de Rochefort (1880-1881). De grand format, les deux toiles tardives sont restées inachevées, l’artiste étant gagné par la maladie. L’exposition permet en outre de comparer ces marines avec celles de contemporains de Manet. Aux maîtres du genre tels Isabey, Backhuysen et Jongkind (lire le JdA n° 196, 25 juin 2004) succèdent les novateurs, et leurs visions plurielles et complémentaires. Après le Jardin à Sainte-Adresse (1867), Claude Monet nous fait ressentir la puissance de La Vague verte (vers 1866-1867). En face, La Vague (vers 1871) de Gustave Courbet semble un hommage manifeste à La Grande Vague de Kanagawa (1823-1833) d’Hokusai. Non loin, James McNeill Whistler préfère les vues vaporeuses, où le brouillard enveloppe les bateaux. Enfin, Eugène Boudin et Berthe Morisot dépeignent l’envers citadin des plages, auquel Manet fait écho dans La Plage de Boulogne (1868), impressions furtives d’un plaisancier.
Jusqu’au 26 septembre, Musée Van Gogh, Paulus Poetterstraat 7, Amsterdam, 31 20 570 5200, tlj 10h-18h, vend. 10h-22h, www.vangoghmuseum.nl. Catalogues. Rens. www.thalys.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Manet jette l’ancre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°197 du 8 juillet 2004, avec le titre suivant : Manet jette l’ancre