L’utilité de l’ombre selon Pierre Jahan

De leur rencontre suivie de plongées dans les archives du photographe, déposées à l’Institut mémoires de l’édition contemporaine (Imec), est née cette rétrospective. Elle n’est pas la première, le Musée Réattu en Arles en a organisé une fort belle en 2010 : la première institutionnelle du genre. Michèle Chomette de son côté est connue pour être l’auteure de plusieurs expositions et sa fille, Julie Chaux, la réalisatrice d’un très émouvant documentaire, Pierre Jahan, un appartement, une vie (1909-2003), rediffusé ici en fin du parcours. Cette rétrospective diffère cependant de ce qui a été dit et montré jusque-là. D’abord par les nombreuses séries ou photographies inédites révélées : sur les puces de Saint-Ouen, sur le travail du verre par exemple ou encore sur l’exposition surréaliste de 1938 dont on ne connaissait que la série de Man Ray et de Denise Bellon. Son propos ensuite éclaire un aspect inabordé de l’œuvre et que la juxtaposition troublante des gisants de la basilique de Saint-de-Denis et des corps du couple de la série Plain-Chant donne à voir dès la première salle : la place conférée par Pierre Jahan à l’ombre. Ce pendant de la lumière que Pierre Jahan « utilise comme outil de transfiguration et même de transmutation des matières et des corps, des objets et des figures, des sujets et des codes de l’histoire de la représentation »,  pour reprendre Michelle Debat, auteure d’un des textes du catalogue Pierre Jahan, à l’ombre des rois, lumières et jeux de la photographie (éditions Loco).