À l’occasion du bicentenaire de sa mort, Corte rend hommage au père de la patrie corse et évoque l’île de beauté au XVIIIe”¯siècle.
CORTE - Personnage historique adulé en Corse, Pasquale de’Paoli (1725-1807) demeure méconnu sur le reste du territoire français. À l’occasion du bicentenaire de sa mort, le Musée de Corte lève le voile sur cette figure singulière du Siècle des Lumières, qui assura durant quatorze années l’indépendance de la Corse sur des bases démocratiques et fut salué par le Nouveau monde pour ses idées novatrices – actuellement sept villes aux États-Unis portent son nom. Général en chef de l’armée corse, en 1755, Paoli met fin à quatre siècles de souveraineté génoise sur l’île de beauté. Proclamé père de la patrie corse, il est élu général de la nation et fonde, plus de trente ans avant la Révolution française, un gouvernement démocratique sur l’île, avec une constitution établissant la souveraineté populaire et l’égalité devant la loi. Son gouvernement permet l’émergence d’une nation, avec sa monnaie, sa flotte, son armée, une université et une imprimerie. Après l’intervention des troupes françaises en 1769 et la fin de l’indépendance, Paoli émigre en Angleterre. Il traverse alors toute l’Europe où il est reçu en grande pompe et crée l’admiration, de l’empereur d’Autriche Joseph II à Catherine II de Russie. Mais, comme l’explique le commissaire de la manifestation, Luigi Mascilli Migliorini, son rôle durant la Révolution française lui sera fatal et le fera sombrer dans les limbes de l’histoire de France. Rappelé en 1790 par l’Assemblée nationale constituante qui le nomme lieutenant et gouverneur de la Corse, Paoli prend, en 1793, position contre la Convention et fait appel aux Anglais. Un royaume anglo-corse voit le jour l’année suivante, avant que les troupes du jeune Bonaparte ne reprennent l’île. Dénoncé comme traître, Paoli rejoint l’Angleterre où il meurt exilé en 1807. L’homme fait aujourd’hui encore débat puisque, en février dernier, la Ville de Paris a refusé de donner son nom à une place ou une rue de la capitale, comme l’avait souhaité la Fédération des Associations Corses de Paris Île-de-France qui dénonce un « centralisme jacobin ».
Correspondance exhumée
Loin de la polémique, « le but de cette exposition est de parler du personnage de manière globale, sans rien omettre de sa carrière. Il s’agit aussi d’évoquer la Corse au moment du Siècle des Lumières », précise Jean-Marc Olivesi, directeur du Musée de Corte. L’événement a été favorisé par le dépouillement récent de la riche correspondance de Paoli dont sont présentés quelques extraits. Par le biais d’une scénographie habile, objets et œuvres d’art, cartes géographiques, documents administratifs et outils multimédias se côtoient pour cerner les multiples facettes d’une personnalité très courtisée, comme en témoigne le grand nombre de portraits dont il fut l’objet. Sur les 168 portraits de Paoli recensés, Corte en présente une trentaine, tel Pascal Paoli à la bataille de Ponte Novu d’Henry Benbridge. Conçu à la manière d’une bibliothèque, un petit box révèle les influences du général : Machiavel et L’Esprit des Lois de Montesquieu (1748), le Contrat social de Rousseau, mais aussi des grands classiques signés Horace, Tite-Live ou Plutarque. Installé sur un pupitre, un exemplaire manuscrit à l’encre de la constitution corse, daté de novembre 1755 et portant la signature de Paoli, trône au centre du parcours. Plus loin, un espace aménagé sur le modèle d’une tribune révolutionnaire confronte les différentes conceptions de la République et leur évolution de 1789 à 1793. Les dernières salles évoquent l’exil et la vie mondaine que Paoli mène en Angleterre. Après sa mort, « Paoli sera sans arrêt récupéré », conclut Luigi Mascilli Migliorini, et ce, particulièrement par les nationalistes corses. Les différents travaux historiques menés récemment et l’exposition de Corte offrent aujourd’hui une image plus juste de ce véritable précurseur sur un plan politique.
- Nombre d’œuvres et documents : 200 (130 gravures, peintures et sculptures) - Commissariat général : Luigi Mascilli Migliorini, professeur d’histoire moderne à l’Université de Naples « L’Orientale » - Directeur du Musée de Corte : Jean-Marc Olivesi
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Lumières sur Pasquale de’Paoli
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 29 décembre, Musée de la Corse, Musée régional d’anthropologie, La Citadelle, 20250 Corte, tél. 04 95 45 25 45, tlj sauf lundi, 10h-17h45. Catalogue, 40 euros, 412 p., ISBN 978-2-84698-218-4.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°200 du 8 octobre 2004, avec le titre suivant : Lumières sur Pasquale de’Paoli