Pour sa nouvelle exposition, le Musée Dapper approche la part féminine de l’Afrique.
PARIS - Les représentations de la femme dans les arts de l’Afrique subsaharienne : tel est le nouveau thème retenu par le Musée Dapper, à Paris, pour, une fois de plus, réunir dans ses espaces des pièces d’exception et s’interroger sur un aspect singulier de l’histoire formelle des arts premiers. Le parcours évite les généralités du genre et offre au regard des œuvres qui répondent à des critères esthétiques précis tout en évoquant les grands cycles de la féminité (la puberté, la grossesse, la maternité) et le rôle de la femme dans la société. En témoignent les sculptures de la culture Mande, au Mali, censées figurer la femme modèle avec ses seins coniques et fesses rebondies, une taille fine et un torse longiligne pourvu de larges épaules, un cou épais que prolonge un visage stylisé à la coiffure complexe. Certaines étaient conservées dans des sanctuaires et sorties lors de la phase finale de rites d’initiation masculine. Au terme de leur long périple, les jeunes hommes dansaient avec cette sculpture représentant la femme idéale à laquelle ils pouvaient enfin prétendre. Comme à l’accoutumée, la scénographie retenue par le Musée Dapper prend le parti de magnifier les pièces qui émergent de l’obscurité sous un halo de lumière, procédé leur conférant un caractère quasi mystique. L’institution parisienne confronte ici ses propres collections – à l’instar de ce Pilastre de « grand abri » en bois du Mali aux formes généreuses – à celles d’institutions publiques – tel le Masque-heaume de la société Sande de la Sierra Leone du Musée royale de l’Afrique centrale, à Tervuren, en Belgique –, mais aussi à celles de nombreux collectionneurs privés. Ainsi de ces pièces traditionnellement appelées « poupées », qui sont en réalité de véritables accessoires éducatifs à la vertu propitiatoire. Célébré pour sa fécondité et son rôle nourricier, le corps féminin que les sculpteurs ont choisi de représenter porte les marques des expériences rituelles vécues : des scarifications mais aussi des mutilations sexuelles comme l’excision ou l’infibulation – sujet auquel la sociologue Fatou Sow, chercheur au CNRS, consacre tout un chapitre dans le catalogue. Sculptés et utilisés par des mains masculines, les statues, reliquaires et masques à l’effigie de femmes n’offrent qu’un infime aspect de cet univers infiniment complexe, conclut Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du Musée. Désormais, poursuit-elle, dans l’Afrique subsaharienne, « les voix féminines se font entendre dans les affaires politiques, juridiques et sociales. Remettant en cause des traditions qui n’ont plus de justification à survivre aujourd’hui, elles bousculent les idées et les comportements ». Et de citer le travail de la photographe camerounaise Angèle Etoundi Essamba (lire l’encadré), présenté en exergue de cette ode à la femme d’Afrique.
Depuis sa réouverture en 2000, le Musée Dapper a largement affiché sa volonté de s’ouvrir à la création contemporaine. Outre un programme soutenu de rencontres, débats, projections et représentations, lors de ses grandes expositions annuelles, il donne carte blanche à des artistes contemporains dont les œuvres sont présentées dans la première salle d’exposition – passage obligé pour accéder aux deux grands espaces principaux du musée. L’année dernière, lors de l’exposition « Animal », le Musée avait choisi d’exposer les installations de la Martiniquaise Julie Bessard, structures zoomorphes flottant dans l’espace, dont les ombres projetées se mêlaient à des silhouettes sorties d’un monde improbable. Cette année, c’est une photographe d’origine camerounaise qui a les honneurs du musée : Angèle Etoundi Essamba. Ses portraits de femmes noires abordent des questions universelles comme celles de la représentation et de l’identité multiculturelle, de la dualité du monde ou encore de la relation entre tradition et modernité.
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L’origine du monde
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Abonnez-vous dès 1 €FEMMES DANS LES ARTS D’AFRIQUE, jusqu’au 12 juillet, Musée Dapper, 35 bis, rue Paul Valéry, 75116 Paris, Tél. 01 45 00 91 75, www.dapper.com, tlj sauf mardi 11h-19h. Catalogue 400 p., 32 euros.
FEMMES
Commissaire : Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du Musée Dapper
Nombre de pièces : 140
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : L’origine du monde