L’orientalisme au féminin

La France, ou plutôt l’Empire Français dont les vastes colonies sont une source d’inspiration exotique pour les artistes. Pour autant, si certains peintres appartenant au mouvement orientaliste sont connus – Gustave Guillaumet, Eugène Fromentin –, les femmes semblent inexistantes. On trouve ici réunies les rares créatrices qui se sont risquées dans ces lieux éloignés de la métropole. Soyons précis, il ne s’agit pas vraiment d’aventurières, car dans la majorité des cas, elles accompagnent leur mari, fonctionnaire ou propriétaire d’une mine ou d’une plantation. Ayant souvent fréquenté l’académie Julian à Paris, elles profitent de ce séjour pour pratiquer leur art. Partagent-elles les même rêves et fantasmes – dirigés uniquement par le principe du plaisir – que leurs confrères masculins ? Pas tout à fait, car l’érotisme est totalement absent de cette production picturale. Qui plus est, ces femmes sont capables d’entrer plus aisément en contact avec la population locale. Ainsi, on peut voir des scènes quotidiennes moins idéalisées, plus intimistes – La Lecture (1919-1920), Lucie Cousturier ; Bédouines à Gabès (1922), Jeanne Thil. En revanche, autant que les hommes, ces artistes semblent « vaccinées » contre l’avant-garde. Une seule exception, le cubisme « soft » de Marcelle Ackein – Bergers au Douar (1930). Mais, peut-il en être autrement, quand l’art, imprégné volontairement ou non, par les lieux communs coloniaux, reste figé dans un présent perpétuel ?