Dans le cadre du Festival Europalia 2002 consacré à la Bulgarie, le Palais des beaux-arts de Bruxelles présente un vaste panorama de la culture thrace du Néolithique à la fin de la domination romaine.
BRUXELLES - Comme à son habitude, Europalia déploie une large palette d’activités. De la littérature à la danse, de la création artisanale à la peinture d’icône, est brossé le panorama d’une culture ayant été ou souhaitant devenir partie intégrante de cette entité européenne qui, politiquement, ne cesse de se chercher. La Bulgarie est à l’honneur en 2002 avec une série de manifestations dont “L’or des Thraces” se veut le point d’orgue. Dans une sobre et monumentale présentation due à Winston Spriet, les trésors archéologiques se succèdent pour témoigner du rayonnement artistique et politique d’une région qui occupa un rôle de premier plan tout au long de l’Antiquité. Entre la mer Noire et celle de Marmara, entre le Bosphore, le Danube et les Dardanelles, entre Orient et Occident, l’idée de carrefour des cultures domine. Les citations brèves et poétiques qui se déploient le long des cimaises témoignent d’une mémoire collective toujours agissante de cette Thrace mythique qui fut le berceau d’Orphée.
Une terre de mémoire
Les trésors découverts par les archéologues rendent compte d’une civilisation qui fut balayée par les grands mouvements de population qui marquèrent le Ve siècle de notre ère. Disposés en fonction de leurs lieux d’origine, ils témoignent d’une richesse et d’une profusion exceptionnelles. Alors que la civilisation mycénienne s’effondre, elle acquiert une position dominante. Menacée par les Perses au sud et par les Scythes au nord, elle doit son salut à la victoire grecque. Le royaume odryse qui se développe alors en Thrace deviendra un relais important de l’expansion hellénique. Les échanges commerciaux sont nombreux, les villes et les ports se multiplient. Une civilisation se développe dans le brassage des références, le mélange des divinités, la rencontre des identités. La sculpture et la céramique, essentielles à la connaissance de l’expansion de la culture grecque, révèlent un goût raffiné et un désir de luxe qui trouve dans l’or son support privilégié.
L’ensemble de ces objets témoigne d’une position idéale. Carrefour obligé entre l’Est et l’Ouest comme entre le Nord et le Sud, la Thrace constitue à la fois un point stratégique et un lieu de rencontre. De Jason en quête de la Toison d’or à Ulysse tentant de regagner Ithaque, nombre de héros grecs emboîteront le pas de Dionysos et fouleront la terre thrace. La mythologie témoigne d’une réalité que confirme l’étude de la vie économique, politique, sociale et culturelle. Multiple, la culture thrace est née d’échanges et de rencontres. Sous la domination romaine, une unité politique prend corps englobant, outre la Thrace, Médie et Dacie. Le développement des villes, la création de routes, l’organisation institutionnelle, l’imposition du culte impérial et la structuration administrative renforcent la cohésion de l’état romain, la vie quotidienne conserve ses couleurs propres. Avec sa profusion de cavaliers et ses tertres funéraires qui impriment leur marque au paysage thrace, la création artistique témoigne d’une fidélité à des modèles identitaires toujours vivaces.
Disposition en “trésors”
L’ensemble des œuvres rassemblées vaut à la fois par sa qualité intrinsèque et par l’éclairage porté sur une culture foisonnante. Vaste territoire aux couleurs contrastées, la Thrace s’y révèle au-delà des seules formes artistiques. Ses religions, son organisation sociale et politique prennent corps à travers des artefacts qui vont du chef-d’œuvre à la production quotidienne. Loin de la simple déclinaison d’œuvres de qualité exceptionnelle, sans céder au fétichisme de l’or trop souvent exploité pour ce genre de sujet, l’exposition rend compte du mariage nécessaire de l’archéologie, de l’histoire de l’art et de l’esthétique. La disposition en “trésors” exprime la diversité des formes d’expression et l’extraordinaire maîtrise technique des artisans thraces. Spectaculaire, la présentation n’est jamais gratuite. La mise en contexte des pièces aussi bien que leur exploitation documentaire offre à chaque visiteur la possibilité d’un voyage imaginaire dans la mémoire de la Thrace antique. Un voyage, sans doute, auquel aspirent les autorités bulgares pour souligner la dimension européenne de ce passé toujours moderne.
Jusqu’au 5 janvier 2002, Palais des beaux-arts de Bruxelles, 23 rue Ravenstein, Bruxelles, ouvert tlj de 10h à 18h, mercredi jusqu’à 21h, tél. 32 2 507 85 94. Catalogue, 39 euros.
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L’or de la Thrace
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°158 du 8 novembre 2002, avec le titre suivant : L’or de la Thrace