PARIS - Décidément, les trésors sont à la mode. À Paris, coup sur coup, ont été inaugurés en octobre « L’or des Thraces » au Musée Jacquemart-André puis, le 6 décembre, « Afghanistan, les trésors retrouvés » au Musée Guimet et enfin, trois jours après, « Trésors engloutis de l’Égypte » au Grand Palais. Ces trois expositions ont de nombreux points communs – politiques, muséographiques, culturels, scientifiques. Les plus hautes autorités de l’État français s’y sont impliquées, tout comme celles des États « prêteurs ». L’aspect politico- diplomatique est particulièrement frappant pour l’exposition de Guimet puisque la France, qui a longtemps détenu un quasi-monopole sur l’archéologie afghane, mais avait dû fermer sa mission au début de la guerre civile, a obtenu de haute lutte la venue de ces deux cent vingt objets précieux issus de quatre « trésors ». Rescapés de nombreuses vicissitudes et sortis pour la première fois de leur terre d’origine, ils ont préféré la France en première étape, au détriment des États-Unis, dit-on. Romanesques, ces trésors d’or, avec un parfum d aventure que ne renieraient pas nos deux archéologues révélés par le grand écran, Indiana Jones et Lara Croft. Derrière les trésors thraces, la personnalité pittoresque et controversée de Gueorgui Kitov, qui justifie ses méthodes expéditives par l’urgence de soustraire de très visibles tombeaux à la rapacité bien réelle des trafiquants. Derrière l’exposition du Grand Palais, Franck Goddio, qui oeuvra dans les affaires et la diplomatie officieuse avant de se reconvertir dans l’archéologie sous-marine. On sait les relations difficiles qu’il entretient avec les égyptologues patentés. Enfin, chacun des trésors de Kaboul est un roman.
Le plus ancien, celui de Fullol, date de l’âge du Bronze et comportait plusieurs vases d’or et d’argent. Les paysans qui les découvrirent en 1966 les morcelèrent à la hache. Certains parvinrent jusqu’au Musée de Kaboul, mais il n’en reste désormais plus que trois. Le second en âge, celui d’Aï-Khanoum, n’en est pas un : il s’agit d’un choix d’objets provenant de cette éphémère cité grecque issue des conquêtes d’Alexandre, fouillée par les Français, puis pillée par des commandants locaux liés à Massoud. Le troisième vient de tombes de princes nomades du 1er siècle avant notre ère, passées au peigne fin par des archéologues soviétiques dans les années 1970 à Tillia Tepe. Les fabuleuses parures en or avaient été cachées pendant vingt ans dans les coffres murés de la banque nationale. Le dernier enfin, celui de Begram, avec ses ivoires indiens, ses laques Han, ses bronzes grecs, ses verres égyptiens, était déjà un trésor (sinon un musée ?), installé par un notable du IIIe siècle de notre ère dans deux pièces souterraines. La muséographie, classique à Jacquemart-André, imposante au Grand Palais avec son tunnel sousmarin, est esthétique et soignée à Guimet. Rêves et aventures, mais aussi pillages et trafics autour de ces trésors, certains un peu « kitch », qui donnent à tous l’envie d’être archéologue. Pour en connaître beaucoup plus sur les sociétés fortement inégalitaires qui les produisirent, ce n’est sans doute pas les lieux les plus adéquats ; et pas plus, d’ailleurs, pour convaincre les aménageurs français que l’archéologie plus austère du sol métropolitain vaut le prix qu’ils paient pour des fouilles préventives... Mais en ces temps de fêtes et de merveilleux, le rêve est permis, tout comme on peut ou l’on doit rêver que l’Afghanistan retrouve un jour la paix.
Jusqu’au 30 avril, Musée national des Arts asiatiques–Guimet, 6, place d’Iéna,75016 Paris, tél. 01 56 52 53 00, tlj sauf mardi, 10h-18h.
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L’or afghan présenté en primeur à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Nombre de pièces : 220 Sites archéologiques : Fullol, Aï-Khanoum, Tillia Tepe et Begram Commissaires : Jean-François Jarrige,président du Musée Guimet, Pierre Cambon, conservateur en chef du patrimoine, section Afghanistan/Pakistan Muséographie :Massimo Quendolo,architecte
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°250 du 5 janvier 2007, avec le titre suivant : L’or afghan présenté en primeur à Paris