L’oeuvre en questions

Elle rassemble une centaine de pièces conçues par quelque soixante-dix designers ou artistes, choisies de concert par le designer Robert Stadler donc, et par Alexis Vaillant, responsable de la programmation du CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux. Tous deux ont sélectionné des objets datant des années 1940 jusqu’à aujourd’hui, « qui résistent aux typologies préétablies que sont la sculpture, le produit, le meuble… » Ceux-ci sont déployés dans une scénographie séduisante et efficace, qui relie et nimbe d’un bleu profond les trois espaces d’exposition en une seule entité. « Les pièces sont placées sans hiérarchie aucune, dans une idée de flottement, comme une surface sur laquelle cohabitent des choses improbables », explique Robert Stadler. S’y côtoient des objets faits par des artistes, comme Multiprise de Mathieu Mercier, et des œuvres d’art faites par des designers, comme Monolithe de Pierre Charpin. Il y a aussi des œuvres d’art qui ressemblent à des objets – Tube Lamp Study de Ricky Swallow – ou, à l’inverse, des objets dont on jurerait qu’ils sont des œuvres d’art – divers contenants de table signés Aldo Bakker. Le problème est que les explications ne sont pas légion, voire même volontairement réduites. « Nous ne voulions pas donner trop de clés. Sans “filtre’’, on peut davantage apprécier une pièce à sa juste valeur et avec une plus grande liberté, estime Robert Stadler. L’objectif est d’arriver à ce que le visiteur se pose la question “Qu’est-ce que c’est ?’’ ou “Qu’est ce que je peux faire avec ?’’ Et non pas “Est-ce de l’art ou du design ?’’ » Avec le risque, fatal, de laisser ledit visiteur en pleine confusion. Sans distinctions franches et indications claires quant aux processus de conception notamment, celui-ci regarde l’ensemble des pièces sur un seul et même niveau : tout ce qui est art est design, et tout artiste est un designer, et vice versa. Ce qui annihile toute démonstration. Dommage !