Depuis quelques années, le spectateur des expositions d’art contemporain est le cobaye d’artistes bien décidés à lui démontrer qu’il ne doit pas se contenter d’un premier degré de l’optique. Les récentes démonstrations de Carsten Höller ou d’Olafur Eliasson se sont employées avec sérieux et grands renforts de moyens à se jouer de ses perceptions pour en arriver où ? À un certain épuisement. Lassé, le spectateur pourra rechigner à traverser la Manche pour aller voir plusieurs centaines d’objets dont l’optique est le principal axe. Théâtres d’ombres et montages verticaux du XVIIe siècle, somptueuses boîtes à perspectives et arlequinades du XVIIIe siècle, lanternes magiques, panneaux fantasmagoriques… ces pièces sont uniques, étonnantes, ludiques, merveilleuses et méritent le déplacement. Beaucoup d’adjectifs pour dire combien cette plongée dans les farces et attrapes du monde des images et des représentations est réjouissante, instructive, excitante. On en apprend de belle sur ces jouets dits séditieux, des pommeaux de cannes qui, s’ils sont bien éclairés, dessinent le profil d’un Napoléon ; des images naïves dessinées sur un support translucide laissent apparaître à la faveur d’un bon éclairage des scènes coquines tandis que des cartons perforés donnent l’illusion de contempler des nuits étoilées bien scintillantes. Et cerises sur le gâteau, les œuvres d’art contemporain, parfaitement intégrées au parcours copieux, offrent une belle perspective à ces fragiles vestiges d’une histoire populaire à la fois débridée et érudite. Le mobile de Markus Raetz (Bioscoop, 1997-2002) conclut intelligemment la section des « Jeux d’ombres » amorcée avec le fabuleux film d’animation de marionnettes datant de 1925, les Aventures du prince Achmed de Lotte Reininger.
La section « Bouger avec le temps », ponctuée par les expériences scientifiques de Marey et des tours de passe-passe annonçant l’image cinématographique, offre l’occasion de voir l’installation vidéo d’Anthony McCall de 1974, une simple ligne projetée dans un brouillard gracile dessinant patiemment un cône. Et, de Carsten Höller à Christian Boltanski, en passant par Ann Veronica Janssens et Tony
Oursler, chaque touche d’art contemporain est pertinente, amenée avec naturel. La fabuleuse collection rassemblée par Werner Nekes, un réalisateur allemand de films expérimentaux, demande une visite lente et minutieuse. Si elle est « consommée », aucune chance d’apercevoir les images se révéler ou mentir.
« Eyes, lies and illusions », LONDRES (Grande-Bretagne), Hayward Gallery, Southbank Centre, tél. 44 020 79 60 52 26, www.hayward.org.uk, jusqu’au 3 janvier 2005.
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L’œil en carnaval
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : L’œil en carnaval