Rien de plus difficile, de prime abord, que de faire dialoguer peinture et poésie dans une exposition.
L’exercice tourne parfois à la citation littérale, voire à la démonstration… La maison de Victor Hugo, à Paris, évite l’écueil en emportant le visiteur dans un tourbillon de sensualité et de fureur placé sous le signe de l’Orient. Certes un Orient plus fantasmé que réel, mais nourri de ces premiers récits de voyage en terre lointaine qui fécondent, en ce début du xixe siècle, la palette des peintres comme la langue des poètes.
« L’Orient est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale », confesse ainsi Victor Hugo en personne dans la préface de son recueil baptisé précisément… Les Orientales. Or, si le poète n’a jamais porté ses pas dans cette région « exotique », il s’est assurément documenté, s’est plongé dans les rapports des diplomates, a consulté les traités de géographie. Mais il a surtout rêvé de combats farouches et ensanglantés, de sultans despotes et d’odalisques aux chairs languides et voluptueuses. Contemporains de la peinture orientaliste naissante, ses vers embaument les parfums d’Arabie, s’enflamment pour les fiers héros grecs qui luttent pour l’indépendance de leur nation, distillent les mystères des sérails stambouliotes…
Faisant jouer la gamme des correspondances, l’exposition confronte ainsi avec un rare bonheur les élans lyriques hugoliens avec les emportements fougueux d’un Girodet, d’un Géricault ou d’un Delacroix. Une même grâce sauvage palpite chez ces romantiques lassés par la froideur marmoréenne de la mythologie classique. À l’Olympe et ses dieux au profil grave et majestueux, l’on préfère désormais le tonitruant, le chatoyant, le « hors-norme », le monstrueux. Les croupes des chevaux se cabrent, les captives mauresques dévoilent leurs courbes généreuses au sortir du bain… Il est d’ailleurs piquant de constater qu’Eugène Delacroix comme Victor Hugo subiront la même incompréhension de la part des critiques. Sans doute ces derniers n’étaient-ils pas prêts à absorber cet « Orient de chair et d’esprit », bien plus audacieux qu’il n’y paraît de nos jours.
« Les Orientales », maison de Victor Hugo, hôtel de Rohan-Guéménée, 6, place des Vosges, Paris IVe, tél. 01 42 72 10 16, jusqu’au 4 juillet 2010.
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L’odalisque et le sultan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : L’odalisque et le sultan