Au lendemain de la crise
de 1929, cinq jeunes Français entreprennent,
de 1934 à 1936, de faire le tour du monde. C’est à bord de
La Korrigane, ancien morutier transformé en yacht de luxe, qu’ils visitent les îles du Pacifique, réunissant objets et documentation pour constituer à leur retour une collection pour le Musée d’ethnographie du Trocadéro. Destiné à l’étude des populations océaniennes, cet ensemble est aujourd’hui
de nouveau exposé au Musée
de l’Homme.
PARIS - Dans la galerie d’Océanie du Musée de l’Homme, à Paris, l’ébauche d’une coque de bateau évoque La Korrigane et son périple dans le Pacifique. Le plancher de bois qui couvre la salle grince sous les pas rappelant le bruit des mâts chahutés par la houle. Dès son entrée, le visiteur est plongé dans une atmosphère océanique l’invitant à suivre les traces des cinq “korrigans”. Des préparatifs de la croisière à l’exposition inaugurale du nouveau Musée de l’Homme en 1938, l’histoire de La Korrigane est présentée de manière peut-être un peu trop succincte. De la Polynésie à la Mélanésie, le parcours d’Étienne et Monique de Ganay, de Charles et Régine van den Broek et de Jean Ratisbonne est relaté à travers quelque deux cents pièces. Art du tissage, objets de la vie quotidienne, masques cérémoniels, bijoux ou éléments d’habitation, ainsi que des photographies prises par Jean Ratisbonne et des croquis et peintures réalisés par Régine van den Broek témoignent des rites et modes de vie des tribus du Pacifique. Née d’un désir de tour du monde, cette croisière se transforme en véritable mission scientifique, les “korrigans” ayant obtenu le soutien du Musée d’ethnographie du Trocadéro, prédécesseur du Musée de l’Homme. À cette époque, ce sont avant tout des “amateurs-aventuriers” qui permettent de collecter des informations sur les sociétés d’outre-mer, en vogue dans les années 1930, l’ethnographie n’en étant qu’à ses débuts.
Question de la collecte ethnographique
Il est cependant regrettable que le thème de la collecte, toile de fond de l’exposition, ne soit présenté que brièvement. Quelles ont été les réelles conditions d’acquisition de ces objets ? Cette question trouve une réponse dans les propos mêmes de Charles van den Broek : “Je tenais un objet très curieux et d’un intérêt ethnographique considérable ; mais, au fond de moi-même, je pensais avec mélancolie à l’étagère désormais vide. [...] Je n’étais qu’un vandale.” Les populations océaniennes n’étaient de toute évidence pas toujours réellement consentantes pour l’échange ou l’achat de leurs biens. D’ailleurs, le nom d’emprunt des membres de l’équipage, les “korrigans”, qui désigne les petits esprits dans les traditions populaires bretonnes, peut avoir une connotation “maléfique” et rappelle sans doute les pillages lors des expéditions de colonisation. Difficile en tout cas de faire la part des choses sur une question aussi complexe que celle de la collecte de l’objet ethnographique.
“Le voyage de La Korrigane dans les mers du Sud” n’est que la première étape d’un important projet scientifique. Durant cinq années, Christian Coiffier, commissaire général de l’exposition, a cherché à réunir une partie de la collection de La Korrigane, afin de la présenter une seconde fois au public. Entrepris depuis 1996, ce projet devrait aboutir en 2006 avec la publication d’un ouvrage où l’histoire complète de La Korrigane sera retracée. La quasi-intégralité de la collection et des documents, encore éparpillés à travers le monde, y sera réunie.
- LE VOYAGE DE “LA KORRIGANE”? DANS LES MERS DU SUD, jusqu’au 3 juin, Musée de l’Homme, Palais de Chaillot, 17 place du Trocadéro, 75116 Paris, tél. 01 44 05 72 72, tlj sauf mardi et jours fériés. Catalogue 239 p., 48,95 euros.
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L’invitation au voyage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : L’invitation au voyage