En 1940, Adolfo Bioy Casares (1914-1999) écrit L’Invention de Morel, un roman d’anticipation entre fantastique et science-fiction.
Morel, le personnage imaginé par l’auteur argentin, invente une machine capable d’enregistrer pendant une semaine les faits et gestes d’un groupe de personnes sur une île, à leur insu. Une fois ces êtres disparus, les images enregistrées y sont projetées à l’infini. Un naufragé tombe amoureux d’une de ces présences étranges, pris au piège d’une confusion presque parfaite entre réel et représentation. Plus de quatre-vingts ans après, ce récit trouve une résonnance contemporaine dans l’omniprésence des images dans la société actuelle. Que cela soit à travers les nombreux écrans du quotidien, les réseaux sociaux ou les dispositifs de réalité augmentée, la technologie ne cesse de redéfinir les conditions de la perception de l’être humain. Thierry Dufrêne, historien de l’art et commissaire d’expositions, avait déjà proposé une réflexion sur le rapport de l’humain à l’objet avec son exposition « Persona. Étrangement humain » au Musée du quai Branly-Jacques Chirac en 2016. Cette fois, à la Maison de l’Amérique latine, il interroge aussi bien la dimension illusoire des images que la mise en contact de mondes parallèles. Les artistes des treize œuvres contemporaines présentées (installations, vidéos, dessins…) se sont inspirés de L’Invention de Morel. Le roman de Casares se révèle alors, à la manière d’un mythe, source inépuisable d’une multiplicité de réappropriations singulières.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°712 du 1 mai 2018, avec le titre suivant : L’invention de Morel : un mythe contemporain