Les plus précieux ouvrages carolingiens de la BNF font l’objet d’une présentation exceptionnelle à Paris.
PARIS - Le Bréviaire d’Alaric (803-814), les Évangiles d’Ebbon (seconde moitié du IXe siècle) ou encore le Sacramentaire de Charles le Chauve (vers 869-870) : autant de chefs-d’œuvre de la production de manuscrits carolingiens, bien connus des spécialistes mais très rarement visibles autrement que sous la forme de reproductions. La Bibliothèque nationale de France propose, avec cette exposition, une occasion exceptionnelle de découvrir de visu ces ouvrages précieux et extrêmement fragiles, enrichis de quelques prêts en provenance de bibliothèques régionales. Parmi ceux-ci, certains documents n’étaient pas sortis des réserves depuis de longues années. Un dispositif de bornes interactives offre, par ailleurs, la possibilité de feuilleter les pages de quelques ouvrages numérisés. Privilégiant la clarté, la présentation permet de prendre la mesure de l’importance de l’époque carolingienne dans le renouveau intellectuel médiéval. Elle donne aussi l’image de la diversité stylistique des différents centres de production disséminés dans l’Empire. Ceux-ci restent plus ou moins influencés par la tradition antique (comme les ateliers rémois), par celle des manuscrits provenant des monastères missionnaires irlandais, d’une facture très stylisée, ou encore par la manière autochtone mérovingienne, inspirée de la production d’orfèvrerie.
Rôle pédagogique
L’époque carolingienne, du VIIIe à la fin IXe siècle, est décisive pour le renouveau artistique européen, à tel point que les spécialistes parlent de Renaissance carolingienne. Charlemagne (768-814), Louis le Pieux (814-840) et Charles le Chauve (840-877), tous trois animés d’une volonté d’ancrage dans la tradition impériale romaine, sont en effet soucieux de préserver la culture latine, mise à mal au fil des siècles. Correction du latin ; copie de textes littéraires antiques – comme en témoigne cette très belle version des Comédies de Térence (milieu ou deuxième moitié du IXe siècle) ornée de 151 copies de dessins à l’antique – ; invention de l’écriture caroline, plus lisible et normalisée : les monastères et leurs scriptoria s’affairent pour préserver cet héritage, alors qu’une réforme liturgique impose l’adoption du rite romain. La culture du livre progresse et leur fabrication connaît une inflation spectaculaire. Les ateliers impériaux sont à l’époque les plus brillants. Ils produisent de luxueux manuscrits, dont les pages teintes en pourpre – symbole impérial – sont rehaussées de lettres d’or, l’ensemble étant protégé par des reliures aux plats ornés d’ivoire et de cabochons orfévrés, ainsi que l’illustrent les Évangiles de Drogon (845-855, du nom de l’évêque de Metz et fils adultérin de Charlemagne), pièce maîtresse de l’enluminure messine.
Une autre révolution s’opère alors, avec l’apparition de la figure humaine, auparavant limitée sur les feuillets peints. En pleine Querelle des images entre une Byzance iconoclaste et une curie romaine iconophile, la nouveauté marque la prise de position franque. Celle-ci est affirmée dans le Libri carolini, rédigé de 791 à 794 sous la direction de Théodulfe, futur évêque d’Orléans, qui revendique le rôle pédagogique des images. Cet acte politique et théologique décisif permet aussi de laisser à l’histoire de l’art quelques-unes des plus belles images peintes de cette époque, quand les décors monumentaux ont souvent disparu.
Jusqu’au 24 juin, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, galerie Mazarine, 58, rue de Richelieu, 75002 Paris, tlj sauf lundi 10h-19h, dimanche 12h-19h, tél. 01 53 79 59 59, www.bnf.fr (exposition virtuelle : http://expositions.bnf.fr/carolingiens). Catalogue, 240 p., 39 euros, ISBN 978-2-7177-2377-9.
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L’image et le texte
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat : Marie-Pierre Laffitte, conservatrice générale au département des Manuscrits ; Charlotte Denoël, conservatrice au département des Manuscrits - Scénographie : Jérôme Habersetzer - Nombre de manuscrits : 64
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : L’image et le texte