Paris-Marseille, via Bordeaux et Genève. La plate-forme « Offshore », imaginée par le critique Jean-Max Collard pour exposer les aspirants au prix Ricard 2005, et qui hissa à son bord une œuvre nouvelle à chaque escale géographique, en termine donc avec son expédition.
Rappel : soit un espace moquetté de vert d’à peine 20 mètres carrés. Estrade, socle, radeau, cette scène haussée à quelques centimètres au-dessus du sol fut tendue comme on tend une page vierge à une dizaine de jeunes artistes qui y ont chacun déposé une œuvre. L’exposition se présente ainsi comme un îlot autonome, une combinaison d’objets hétérogènes unifiés par ce curieux jardin à investir.
Résultat : des pièces de petit format, jouant le jeu de la contrainte, doublées d’une réflexion féconde et dégourdie sur le territoire et la fabrique de l’exposition collective. La dizaine d’œuvres à intensités variables cohabite densément mais étonnamment bien.
On y trouve : une pastèque en bronze d’Olivier Babin, un délicieux totem à plume de Dewar et Gicquel, un filet de ping-pong (paresseusement) adapté à la plate-forme par Thomas Lélu, une subtile concentration de maquettes de gratte-ciel en équerres et rapporteurs transparents bâtis par Kristina Solomoukha ou une secousse tellurique composée à partir de la fréquence du big bang diffusée par Loris Gréaud – vainqueur du prix – à quelques encablures de la surface verte. La plate-forme dessine finalement un paysage lilliputien et synthétique, sorte de microrécit collectif.
Question : que partagent les œuvres en dehors de cette surface de jeu ? À vrai dire, pas grand-chose. À ceci près que la fiction fut combinée avec les artistes. Et comme pour boucler la boucle d’une proposition qui ne cesse de revenir sur elle-même, Olivier Dollinger filme le commissaire Collard racontant l’exposition sous hypnose, tandis que Fiorenza Menini encastre une caméra tournante au centre de la plate-forme et filme les œuvres en temps réel, de près, au ras de la moquette.
Et donc : l’exposition ne postule rien d’ordre esthétique à partir des œuvres elles-mêmes. Plus qu’un simple exercice de style au service du commissaire supposé tout-puissant, elle questionne le régime de l’exposition collective et décide d’un cadre fictionnel capable de la bâtir et de lui donner cohérence. Elle le fait avec une audace précieuse. Et si regret il y a, il est sans doute à chercher du côté de l’usure de la fiction comme stratégie de création ou d’organisation des œuvres. Une fin de cycle serait la bienvenue.
« Offshore », musée d’Art contemporain, 69, avenue d’Haïfa, Marseille (13), tél. 04 91 25 01 07, jusqu’au 24 septembre.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’exposition « Offshore », une plate-forme fictionnelle
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : L’exposition « Offshore », une plate-forme fictionnelle