PARIS
Incroyable ! Jusqu’à ce jour, malgré son immense notoriété, Sigmund Freud (1856-1939) n’a jamais fait l’objet d’une exposition en France, affirme d’emblée Paul Salmona, directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme.
En tous cas, l’opération est réussie. La variété des sujets traités – Freud neurobiologiste ; Magnétisme, hystérie et hypnose ; Freud évolutionniste ; La science des rêves ; Le mouvement surréaliste ; Freud collectionneur d’objets archéologiques ; Le judaïsme, moteur et frein dans la découverte de la psychanalyse ; La vie sexuelle… – fait de cette exposition un parcours initiatique exceptionnellement riche et subtil, ce qui n’est pas vraiment étonnant quand on sait que le commissaire s’appelle Jean Clair. Mais il est sûr que seule une lecture attentive du catalogue, librement disponible dans certaines salles, permet de prendre la pleine mesure de l’exposition. Les relations délicates et parfois contradictoires de Freud d’une part au judaïsme, d’autre part aux images et aux idoles sont particulièrement bien développées. Des exigences scientifiques associées à un esprit de finesse permettant de percevoir de subtiles contradictions. Ainsi, le médecin viennois affirmait être totalement détaché de la religion de ses pères comme de toute autre religion sans pourtant renier une appartenance à son peuple. S’interrogeant sur cette filiation au judaïsme, il écrit dans la préface à l’édition hébraïque de Totem et tabou (1930) : « Qu’est-ce qui est encore juif chez toi, alors que tu as renoncé à tout ce patrimoine ? – Encore beaucoup de choses, et probablement l’essentiel. » Parmi d’autres découvertes saillantes, on apprend que la rencontre de Freud avec Salvador Dalí à Londres en 1938 a fait changer le regard du père de la psychanalyse sur les surréalistes, qu’il percevait jusqu’alors comme « des fous intégraux (disons à quatre-vingt-quinze pour cent, comme pour l’alcool absolu) », comme il l’écrit à Stephan Zweig le 20 juillet 1938. Des œuvres particulièrement remarquables de Gustav Klimt, d’Egon Schiele, d’Auguste Rodin, d’Antonin Artaud, de Victor Brauner, de Francis Picabia et un très sauvage dessin de Picasso, entre autres, dynamisent ce passionnant parcours.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : L’Exposition Freud : une première en France