Karlsruhe - De nos relations sociales à nos activités professionnelles, le code informatique façonne notre vie quotidienne.
Ce constat fournit son point de départ à l’exposition « Open Codes » au ZKM de Karlsruhe, et y détermine un choix d’œuvres récentes qui déroulent l’histoire du code, explorent ses effets sur notre quotidien et déterminent les enjeux économiques et éthiques que soulève son omniprésence. On y suit le procès d’un algorithme mis en scène par Helen Knowles, on y arbitre avec Matthieu Cherubini les cas de conscience d’un véhicule autonome, on y observe un robot intelligent en pleine rédaction d’un manifeste, on y questionne avec Shawn Maximo la porosité des espaces de vie et de travail à l’ère du tout digital. Encodage, transcodage, traduction, partage… : l’institution allemande déroule ainsi tout l’éventail des opérations sur lesquelles repose la marche des sociétés contemporaines.
Mais au-delà de l’intérêt que présente un tel thème, le principal mérite d’« Open Codes » tient à sa volonté d’étendre son sujet au commissariat d’exposition lui-même, et de souligner les effets du code sur les formes et modalités de toute entreprise de monstration. Comme si le white cube était désormais un dispositif révolu, et que la révolution numérique appelait une autre révolution, celle des conventions curatoriales. Cette ambition se manifeste sitôt qu’on pénètre dans le hall où se déploie « Open Codes ». Là, rien qui signale à première vue une exposition. L’espace y est entièrement décloisonné et ne dessine aucun parcours. Au contraire, les œuvres sont disposées en îlots, sans ordre apparent, entre les distributeurs de boissons, les plantes vertes, les fauteuils et les imprimantes 3D.
Pour retrouver trace d’une organisation thématique, il faut lire les cartels : chacun d’eux comporte une série de hashtags rattachant l’œuvre aux huit enjeux principaux soulevés par l’événement. Surtout, il règne dans « Open Codes » une ambiance très inhabituelle : ici, un groupe de salariés enchaîne sur un écran les présentations type PowerPoint ; là, un groupe de jeunes filles joue au ping-pong ; plus loin, quelques étudiants plissent les yeux devant leur ordinateur portable, tandis que des enfants s’amusent avec les casques VR. Par son animation et sa convivialité, le lieu semble plus tenir du coworking space, de la salle de jeux, de la cafétéria ou du hacker space, que de l’espace d’art. Ce brouillage délibéré des codes et des hiérarchies s’adosse à une série de mesures audacieuses. Il y a d’abord le site Internet de l’exposition, où un calendrier permet de réserver tel espace pour une réunion ou un séminaire. Surtout, sur le modèle de certains musées anglais, l’accès à « Open Codes » est gratuit.
À l’entrée, une urne transparente invite à glisser une pièce ou un billet, selon ses moyens. Le modèle économique de l’exposition se fonde sur le partenariat et la production interne – bon nombre des œuvres présentées ici ont été conçues par des artistes en résidence au ZKM. L’effet de telles expérimentations ? Servir une approche renouvelée de la démocratisation culturelle, fondée non plus sur un mode de transmission vertical, mais sur un jeu subtil de reflets et de mises en abyme entre les activités des visiteurs de l’exposition et les œuvres présentées…
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L’expo à l’épreuve du code
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : L’expo à l’épreuve du code