À travers quelque 200 œuvres, provenant de régions et d’époques parfois très éloignées, le Musée du Louvre explore l’imaginaire du monde islamique, peuplé de créatures fantastiques, d’animaux sauvages, d’hommes étranges ou de monstres. Une exposition hétéroclite dont le titre ne tient pas ses promesses.
PARIS - Dans une atmosphère onirique, un Indien descend du ciel à cheval, tandis que, dans une autre image, Shéhérazade s’adresse au Sultan dans un décor fourmillant de détails... Symbole de l’Orient mystérieux et magique, les illustrations des contes des Mille et Une Nuits, signées Léon Carré, Dulac ou Gustave Doré, accueillent les visiteurs, d’abord confrontés à une vision occidentale de l’art islamique. Leur succède l’évocation du livre d’al-Qazwînî, Les Merveilles des choses créées et les Curiosités des choses existantes, célèbre cosmographie écrite en arabe au XIIIe siècle, copiée et modifiée jusqu’au XIXe. Les sujets célestes (anges, constellations, planètes) et terrestres (animaux, peuples étranges, monstres) d’al-Qazwînî ont été repris sous des formes variées. En témoignent les aigles bicéphales figurant sur le brûle-parfum sphérique réalisé pour un puissant émir mamelouk au XIIIe siècle, les griffons représentés sur des carreaux de revêtement iraniens (XIIIe-XIVe siècle), ou encore le crocodile et le dragon marin, peints en camaïeux gris rehaussés d’or, de rouge et de rose, dans une copie de la cosmographie (Iran, XVIe siècle). Du sphinx égyptien au Pégase grec, du senmurv iranien – animal avec une tête de chien, deux pattes avant griffues, des ailes et une large queue se recourbant sur le dos – au qilin chinois – être polymorphe, barbu, ailé, cornu ou cervidé –, l’art islamique intègre les créatures des bestiaires fabuleux antérieurs ou contemporains, à des coupes, aiguières, chandeliers, fonds de plat, vases, tapis, tentures, enluminures. Si la qualité ou la beauté des pièces présentées est indéniable, la scénographie n’est pas totalement convaincante et se situe bien loin des ‘ajâ’ib (merveilles) et gharâ’ib (curiosités, étrangetés), abordés par les livres des merveilles. Les œuvres sont alignées derrière de simples vitrines, qu’éclaire une douce lumière, sur fond de tentures violettes aux dessins rappelant la panoplie d’un magicien. Marthe Bernus Taylor, conservatrice au Musée du Louvre, chargée de la section islamique, explique pourtant qu’il s’agit bien “d’évoquer une sorte de parcours suscitant une rêverie, parfois teintée d’effroi ou d’amusement, capable de transporter le visiteur dans le monde enchanté des contes de notre enfance. L’exposition est donc conçue comme une promenade à laquelle, dès l’entrée, nous convierait le lecteur figurant sur une belle page iranienne du XVIIe siècle”. Après avoir abordé le rôle du fantastique en littérature, notamment à travers les figures mythiques du Shâhnâma (Le Livre des Rois), grande épopée nationale iranienne écrite au début du XIe siècle par le poète Firdawsî, l’exposition évoque certaines pratiques magiques et divinatoires. Une fois encore, les miroirs et coupes talismaniques, amulette ou cruche à inscriptions se succèdent sans effet de surprise. Véritable casse-tête mathématique, le carré magique, apparu au IXe et Xe siècles, fait partie des pièces les plus intrigantes : les chiffres figurant dans les cases doivent tous être différents mais leur addition doit donner une somme égale pour chaque colonne, pour chaque rangée et parfois pour les diagonales. Sur les marges du carré, se trouvent des invocations et des prières. Des représentations de certaines figures bibliques et coraniques – Adam, Jonas, le roi Salomon, le Christ, le prophète Jonas –, ou celle du darwîsh, ascète islamique, concluent une exposition dont le propos semble un peu faible.
- L’ÉTRANGE ET LE MERVEILLEUX EN TERRES D’ISLAM, jusqu’au 23 juillet, Musée du Louvre, hall Napoléon, 75001 Paris, tél. 01 40 20 51 51, tlj sauf mardi, 9h-17h45, mercredi jusqu’à 21h45. Catalogue, RMN, 333 p., 290 F.
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L’étrange pays des merveilles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : L’étrange pays des merveilles