Depuis dix ans, le Musée des beaux-arts de Caen acquiert des œuvres réalisées, de 1850 à 1910, par Eugène Boudin, Paul Huet, Albert Lebourg, Eugène Isabey ou Albert Marquet sur les plages et les terres de Normandie.
Les quelque 74 tableaux de la collection sont aujourd’hui dévoilés le temps d’une exposition.
CAEN - “Les romantiques ont fait leur temps. Il faut désormais chercher les simples beautés de la Nature.” Cette célèbre phrase d’Eugène Boudin peut aussi s’appliquer aux travaux d’Eugène Isabey, Paul Huet, Adolphe-Félix Cals ou Albert Lebourg, qui, au-delà du pittoresque, s’attachèrent à décrire la beauté crue de la Normandie, sa lumière et son climat particuliers. En exposant sa collection, riche de 74 tableaux datant de 1850 à 1910, sous le titre “Peindre en Normandie”, le Musée des beaux-arts de Caen évoque cette peinture “d’atmosphère”. Bon nombre de ses auteurs, Boudin, Jongkind, Courbet, Dubourg, le jeune Monet, Cals, Pécrus et bien d’autres encore, ont échangé leurs idées à la ferme Saint-Siméon – à Honfleur, sur la Côte de Grâce –, située sur une pente, au milieu des pommiers. Cals y dépeint La Grande Cour (1879), La Fileuse d’étoupe (1873), un Portrait d’enfant (1876) ; Dubourg, des Femmes dans un verger à Saint-Siméon ou Les Harengères, en plein labeur. En 1850, la côte normande se transforme et se construit : hôtels, établissements de bains et casinos envahissent le paysage. Mais, aux touristes venus en couple ou en famille pour les traditionnels bains de mer et aux grands bouleversements de la modernité, les peintres de la ferme Saint-Siméon préfèrent les pêcheurs, les blanchisseuses et les gens du cru. Boudin décrit parfois ces groupes compacts de villégiateurs venus envahir les plages, mais préfère Le Pont sur la Touques à Trouville (1881) qu’il représente des dizaines de fois. Les départs à la pêche lors des matins brumeux, le port à marée haute ou basse, les coteaux, et autres scènes de bord de mer varient considérablement d’un artiste à l’autre : Marquet décrit Le Port de Fécamp (1906) avec son jeu célèbre de traits et d’aplats ; Gernez Le Port de Honfleur (1913) à la manière d’un pointilliste, tandis que Guillemet préfère le représenter au loin, comme toile de fond d’un paysage campagnard.
Des artistes comme Charles Léandre ou Jules-Louis Rame s’intéressent également à la tranquille campagne normande. Avec Paysage aux rochers ou Hameau sous un ciel orageux, deux petits tableaux de 1880 de Daubigny, la campagne apparaît plus sombre, plus angoissante. C’est probablement en 1865, dans l’Orne, près de Vimoutiers, que Corot saisit, quant à lui, dans le froid et la bourrasque, une Rue de village en Normandie. Le musée présente aussi les tableaux exécutés entre Le Havre et Paris, le long de la Seine, source intarissable d’inspiration avec ses ruines et monuments, ses châteaux et abbayes, ses paysages sauvages, ses champs, ses chemins de fer et ses ports. La Seine à Rouen, happée sous un ciel orageux ou lumineux, dans des tons roses, violets et gris, devient vite l’unique motif de Lebourg. Il y exprime une profonde mélancolie tout en explorant les variations infinies de la lumière. Avec Rouen dans la brume, Maurice Louvrier signe une toile quasiment abstraite : le motif est dissout dans une oscillation de formes, ne retenant que l’impression du brouillard. Comme pour l’exposition précédente, “Peintres du Nord en voyage dans l’Ouest, 1860-1900” (lire le JdA n° 130, 29 juin 2001), le musée donne à voir beaucoup de petits formats, des esquisses ou pochades, dans lesquels il a été laissé libre cours à toutes les audaces.
- DE COROT À VUILLARD, jusqu’au 30 septembre, Musée des beaux-arts de Caen, Le Château, 14000 Caen, tél. 02 31 30 47 70, tlj sauf mardi, 9h30-18h. Catalogue, 150 p., 28,97 euros.
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Les simples beautés de la nature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Les simples beautés de la nature