Justement célèbre pour ses natures mortes, Lubin Baugin (vers 1608-1663) a également été reconnu comme peintre religieux grâce notamment aux travaux de Jacques Thuillier. Celui-ci a assuré la préparation de l’exposition présentée successivement à Orléans et à Toulouse, qui permet de découvrir de nombreuses toiles issues de collections particulières, d’une qualité hélas inégale.
ORLÉANS - Originaire de Pithiviers, Lubin Baugin commence sa carrière dans le cercle des peintres flamands actifs à Saint-Germain-des-Prés, et l’exposition s’ouvre naturellement sur ses célèbres natures mortes datant de cette époque. Fortement marqués par la manière nordique, la Nature morte à l’échiquier et Le Dessert de gaufrettes occupent une place de premier plan dans l’histoire de ce genre en France au XVIIe siècle, et ont contribué à la redécouverte de l’artiste. Aussi ascétiques qu’énigmatiques, elles ont nourri une importante littérature exégétique. On ne saurait en dire autant de ses tableaux religieux, que Jacques Thuillier avait commencé de reconsidérer, il y a bientôt quarante ans. En effet, comme il le note dans le catalogue de l’exposition orléanaise, “ce ne sont pas là des tableaux pour Panofsky”. À cent lieues des raffinements iconographiques de certains de ses contemporains, ses versions de La Vierge à l’enfant, de la Sainte Famille et autres scènes religieuses expriment une piété naïve, à laquelle s’accorde merveilleusement sa manière empreinte d’un “purisme archaïsant”. Son séjour en Italie, de 1632-1633 à 1640, lui a permis de découvrir l’art de Raphaël et du Corrège, qui imprégnera désormais toute son œuvre, marquée par ailleurs de réminiscences bellifontaines. Confiné à son retour à Paris à de petits formats, il reçoit bientôt d’importantes commandes, comme celle de la chapelle de la Congrégation des Nobles, rattachée à la Maison professe des jésuites, rue Saint-Antoine (1647-1649). Quatre tableaux appartenant à ce cycle sont présentés à Orléans et témoignent de l’assimilation de cette grâce pudique, chère au maître d’Urbino. De nombreuses toiles lui furent également demandées pour ce sanctuaire de la peinture parisienne qu’était Notre-Dame : La Vierge de pitié, Le Martyre de saint Barthélemy... Un seul tableau mythologique a été identifié, L’Enfance de Jupiter, conservé au musée de Troyes, qui confère une pointe d’allégresse à l’ensemble.
Une peinture dépouillée de tout excès
Parmi la cinquantaine d’œuvres réunies ici, bon nombre sont issues de collections particulières ou de modestes églises provinciales ; c’est d’ailleurs l’intérêt d’une telle exposition. Malheureusement, au côté des chefs-d’œuvre conservés à Paris, Orléans et Rennes, la présentation de ces tableaux souvent très usés offre l’image d’un petit maître assez inégal. Peut-on d’ailleurs juger de ces toiles plus ou moins ruinées ? Toujours est-il que de cet ensemble émergent quelques certitudes : que Baugin ne possède ni la vigueur expressive de Vouet, ni la science de la composition de La Hyre, ni le dessin de Le Sueur, ni le coloris de Blanchard. Son talent est ailleurs, dans un en deçà de l’expression. Son art est en effet dépouillé de tout excès dans la manifestation des passions aussi bien que dans le rendu des physionomies. Un travail approfondi par la recherche de subtils accords de coloris. Décrivant dans une notice le vêtement du novice dépeint dans L’Intercession de sainte Catherine, Jacques Thuillier, tout à son enthousiasme, vante le jeu des blancs et des bleus, le traitement des plis et de la dentelle, et s’exclame : “Vélasquez fait-il beaucoup mieux ?” Est-ce le meilleur service à rendre à Baugin que de lui prêter des talents exagérés ? C’est prendre le risque de décevoir.
- LUBIN BAUGIN (VERS 1608-1663), jusqu’au 20 mai, Musée des beaux-arts, place Sainte-Croix, 45000 Orléans, tél. 02 38 79 271 55 ; tlj sauf dimanche matin et lundi 10h-12h15 et 13h30-18h, mercredi jusqu’à 20h. L’exposition sera présentée au Musée des Augustins à Toulouse, du 8 juin au 9 septembre. Catalogue par Jacques Thuillier, RMN, 280 p., 144 ill., 35 euros.
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Les silences de Baugin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Les silences de Baugin