Les sens de l’architecture

Or, comme un trouble-fête, l’architecture ne s’est jamais pliée volontiers au jeu de l’exposition. Contrairement aux arts strictement visuels, exposer l’architecture revient à négliger la réalisation finale pour ne montrer que ses représentations (croquis, dessins, maquette) et finalement évacuer l’expérience que procure un bâtiment dans lequel on évolue. La Royal Academy propose donc de réinviter les règles à travers cette exposition inédite. En écho au titre « Sensing Spaces : Architecture Reimagined », sept architectes internationaux ont été invités dans ses galeries à rendre tangible l’expérience de l’architecture, sa capacité à changer un environnement, à agir sur les sens et la mémoire des individus. Tel le Japonais Kengo Kuma faisant appel à son enfance par une structure de bambou dégageant une odeur de cyprès du Japon. Le Chinois Li Xiaodong réinvente le lieu par un labyrinthe ouvrant sur un jardin zen et le duo chilien Pezo von Ellrichshausen bouleverse la perspective en offrant un point de vue inédit à hauteur de la corniche de la galerie. La proposition la plus intéressante vient des Irlandais Grafton Architects sur la question fondamentale de la lumière en architecture. Dans deux salles mitoyennes, leurs structures contraignent la lumière zénithale des salles, créant ainsi un espace éblouissant d’un côté et un espace sombre et oppressant de l’autre, et modifiant, par  la simple sculpture de la lumière, le  ressenti de l’espace. « Sensing Spaces » propose une architecture sans contraintes techniques, environnementales, normatives ou budgétaires, comme une pure poésie. A-t-on encore affaire à de l’architecture ?