Prenant comme noyau une œuvre de François Curlet, l’exposition “Coconutour”? rassemble à Sète une dizaine de protagonistes de la scène artistique belge. Outre un épisode d’AnnLee, des pièces récentes de Michel François et d’Ann Veronica Janssens, la manifestation propose de découvrir des artistes moins visibles tels que Patrick Guns et Sven Agustijnen.
SÈTE - Exotique et monolithique, la Coconutour de François Curlet est une noix de coco habitable aux dimensions spectaculaires. Mais si le fruit de paradis suggère palmiers, “bounties” et autres vahinés, c’est, après une première présentation à Bruxelles – au Beau lieu d’art contemporain (Blac) –, dans les salles du Centre régional d’art contemporain (Crac) de Sète qu’elle est arrivée. Ce parcours donne le ton de la présente exposition : roulant comme une pierre qui amasserait de la mousse, la Coconutour a non seulement entraîné Ann Lee – le personnage de manga lancé par Pierre Huyghe et Philippe Parreno –, dont un épisode de la saga est ici proposé par François Curlet, mais également une dizaine d’artistes belges, témoins de la relation établie par le Français avec la scène de ce pays. Lors de la Biennale d’arts visuels de Venise (2001), l’artiste avait ainsi naturellement pris part à “La trahison des images”, exposition collective dont l’intitulé magrittien laissait peu de doute sur l’héritage assumé par les personnalités invitées. Parmi eux, certains se retrouvent d’ailleurs à Sète, à l’instar de Benoît Platéus, dont les photographies de feux d’artifice suggèrent une éventuelle correspondance entre la photographie, le pictural et le son. “On perce les oreilles”, postule une affiche de ce dernier intitulée Le Mur du son (2002).
Le son et la matière sont également les principales qualités d’Alu (2002), l’installation vidéo présentée par Michel François. Basée sur un dispositif qui duplique l’image par son milieu, la double projection montre l’artiste manipulant une feuille d’aluminium. Face à elle, un haut-parleur diffuse les bruissements de l’aluminium, renforçant l’aspect physique du geste. Prise dans un reflet, la feuille dessine des motifs semblables à ceux d’une tâche d’un test de Rorschach ; l’hallucination du mouvement et du brillant en plus. L’effet d’hypnose est comparable aux clignotements chromatiques d’Ann Veronica Janssens, qui, avec Scrub Color John Berlin (2002), tente de réactualiser à la sauce vidéo le flicker-film [film à clignotement], un grand classique du cinéma expérimental des années 1960 et 1970 dans lequel se sont illustrés Tony Conrad, Peter Kubelka ou Paul Sharits.
À côté de ces personnalités reconnues, la Coconutour a aussi aggloméré des artistes encore peu visibles en France. Habitués aux assemblages d’emballages hétéroclites, le tandem formé par Simona Denicolai et Ivo Provoost diffusent ici, par le biais d’un disque, un véritable inventaire à la Prévert qui se veut le prélude à une vente aux enchères, tandis que Jos de Gruyter & Harald Thys proposent avec le Rouet un huis clos à l’humour proche de celui déployé depuis des années par leur doyen Jacques Lizène. Le “petit maître liégois”, comme il se nomme lui-même, est d’ailleurs présent une salle plus loin à travers une mini-rétrospective.
Écueil et passage obligé de toute manifestation à caractère national, la question d’une identité commune à l’ensemble des participants trouve une réponse simple dans leur propension à déraper du réel vers le double registre de l’imaginaire et de la fiction. Ce langage fourchu, teintée d’une causticité aisément qualifiable d’“esprit belge”, se retrouve dans les deux plus malicieuses pièces de l’exposition, signées par Sven Augustijnen et Patrick Guns. Réalisée par ce dernier, “The Fading of Colors”, une série de dessins au stylo bille, épuise littéralement le petit bonhomme Bic. Alors que dans les planches accrochées au mur, il est décrit dans la peau d’un héros suicidaire et malheureux, le personnage est pendu les veines saignées à bleu au milieu de la salle. Tout aussi réjouissante est L’École des pick-pockets, de Sven Augustijnen. Ce “documentaire” d’une quarantaine de minutes prend pour sujet un apprenti voleur initié aux ficelles du métier par des professionnels : un pied de nez salutaire à la paranoïa sécuritaire, aux réservoirs à paillettes du type “Star Academy” et au culte de la belle main.
Jusqu’au 30 mars, Centre régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon, 26 quai Aspirant-Herber, Sète, tél. 04 67 74 94 37, tlj sauf mardi 12h30-19h, samedi et dimanche 13h-18h. À noter que des œuvres de François Curlet, Michel François, Patrick Guns et Jacques Lizène seront également présentées à Paris au Centre Wallonie-Bruxelles du 6 mars au 25 mai, tél. 01 53 01 96 96.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les révoltés du "Bounty"
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Les révoltés du "Bounty"