DOUCHY-LES-MINES
Les images de Boris Mikhaïlov frappent fort. Le choix du photographe ukrainien des séries Promzona et Salt Lake pour sa première exposition au CRP de Douchy-les-Mines marque un retour sur son propre passé, qui fait écho à l’histoire minière et industrielle des Hauts-de-France.
Réalisé en 2011 dans le cadre de la Biennale de Kiev, Promzona marque en effet le retour de l’artiste sur les sites aujourd’hui en friche de la région de Donetsk, à l’est de l’Ukraine, où il travailla comme ingénieur dans les années 1960. Un retour doublement symbolique, puisque c’est à la suite d’un reportage réalisé à la demande de leur dirigeant que Boris Mikhaïlov fut renvoyé pour avoir préféré photographier sa femme nue, renvoi qui l’engagea à devenir photographe. Le traitement des vestiges architecturaux de cette ère évoque tour à tour le constructivisme de Rodtchenko ou de Léger et le cubisme de Braque, matrices de temps et de visions superposées. Le temps retrouvé chez Mikhaïlov se joue des antagonismes et des références. La juxtaposition de Promzona avec Salk Lake, réalisé en 1986 toujours dans la même région, mais cette fois-ci à partir des souvenirs de son père de la station thermale de Slaviansk, met particulièrement en relief les dérives des temps modernes. Le retour sur les rives de son lac d’eau chaude et salée ouvre à des scènes familiales bon enfant, totalement détachées des rejets des usines bordant désormais le lac. L’approche documentaire et le tirage sépia, ici privilégiés, livrent une chronique à la fois douce et virulente où la bienveillance de Mikhaïlov vis-à-vis de ceux qui s’y baignent s’imprègne d’une nostalgie mise à l’épreuve par les ravages des politiques économiques imposées par l’Union soviétique à l’Ukraine annexée.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Les retours du passé de Boris Mikhaïlov